OTTAWA – Les négociations pour conclure un accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne tirent à leur fin et Ottawa semble prêt à céder, du moins en partie, aux demandes européennes concernant les brevets pharmaceutiques — une concession qui pourrait coûter 900 millions $ aux Canadiens chaque année.
Le ministre fédéral du Commerce international, Ed Fast, se rendra à Bruxelles la semaine prochaine pour y rencontrer son homologue européen afin de franchir une nouvelle étape dans les pourparlers canado-européens.
M. Fast et son collègue de l’Agriculture, Gerry Ritz, espèrent ficeler les derniers détails et en venir à une entente finale au cours des prochaines semaines, tout en lançant une campagne de relations publiques qui cherchera à convaincre les Canadiens des bienfaits d’un éventuel accord.
Des sources au gouvernement et dans l’industrie indiquent que M. Fast est prêt à accorder à l’Union européenne une plus longue période de protection pour les médicaments d’origine, en dépit des pressions exercées par le secteur canadien du médicament générique, et par les provinces qui rejettent toute augmentation du coût des médicaments.
Une entente signifierait que les gouvernements, les employeurs et les consommateurs devraient acheter pendant plus longtemps des médicaments d’origine — plus chers —, plutôt que de se procurer les versions génériques plus abordables.
Selon des estimations du gouvernement, cette mesure coûterait de 367 millions $ à 903 millions $ par année, selon divers scénarios. Cette facture pourrait toutefois grimper à 2 milliards $ par année si le gouvernement Harper cède à toutes les demandes européennes en termes de brevets pharmaceutiques, selon des calculs internes obtenus par La Presse Canadienne.
Le Canada avait refusé jusqu’ici de discuter des demandes européennes concernant les brevets pharmaceutiques. Ce point, l’un des plus litigieux à l’ordre du jour des négociations, a été reporté jusqu’à la fin de la ronde.
«Les sujets les plus difficiles ont été gardés pour la fin», confirme John Weeks, l’ancien négociateur en chef du Canada pour les discussions entourant l’Accord de libre-échange nord-américain (Aléna), qui conseille aujourd’hui l’industrie du médicament générique à titre de consultant. «Mais la présence des ministres à Bruxelles créera une dynamique différente.»
Interrogé sur la possibilité que le Canada fasse des concessions concernant les brevets pharmaceutiques, un porte-parole du ministre Fast, Adam Taylor, s’est contenté de dire que, pour l’instant, «les négociations se poursuivent, et que «toute spéculation sur l’issue de ces discussions serait inexacte».
Alors que l’industrie des médicaments d’origine se réjouit discrètement, celle des médicaments génériques refuse d’admettre sa défaite. «Nous demeurons optimistes, assure Jim Keon, président de l’Association canadienne du médicament générique. Nous n’avons pas été mis au courant de décisions finales.»
Le gouvernement fédéral insiste pour dire qu’un accord de libre-échange avec l’Union européenne augmenterait les échanges bilatéraux de 20 pour cent, et injecterait annuellement 12 milliards $ dans l’économie canadienne, un gain qui se traduirait par une moyenne de 1000 $ par famille et 80 000 nouveaux emplois.