QUÉBEC – L’ex-ministre de la Santé Yves Bolduc s’est livré mardi à une charge très dure contre son successeur, Réjean Hébert, qu’il a traité d’«incompétent total».
À ses yeux, le nouveau ministre de la Santé n’est qu’un universitaire déconnecté de la réalité du terrain, étranger au fonctionnement du système de santé au point de devoir «prendre des notes comme un étudiant» quand il rencontre des acteurs du réseau.
C’est rien de moins que «l’hécatombe» qui plane au-dessus de ce réseau, où l’inquiétude monte d’un cran chaque jour quant à la suite des événements, selon l’ancien ministre Bolduc.
Joignant l’injure à l’insulte, au mépris du décorum très strict en vigueur en Chambre, M. Bolduc s’est même permis de tutoyer le ministre Hébert en s’adressant à lui sur un ton acrimonieux. Réprimandé par le président de l’Assemblée nationale, il a dû s’amender aussitôt.
En Chambre, les parlementaires doivent se vouvoyer, s’interpeller uniquement par leur titre, jamais par leur nom, et s’adresser en tout temps au président et non à la personne désignée. De plus, toute une série d’expressions imagées et de mots sont interdits.
«Tu viens de démontrer complètement que tu ne connais pas ton réseau de la santé et tu ne connais pas du tout tes dossiers», avait lancé M. Bolduc au ministre Hébert, faisant fi des règles et sortant de ses gonds.
Le leader du gouvernement, Stéphane Bédard, s’en est mêlé pour rappeler au député libéral «qu’on n’est pas à Occupation double ici», et qu’il fallait respecter un certain décorum.
Il y a à peine deux semaines, pourtant, lors de la reprise des travaux à l’Assemblée nationale, les leaders des différents partis représentés en Chambre s’engageaient tous à élever le niveau des débats, en favorisant des échanges respectueux.
En gros, Yves Bolduc reproche au gouvernement de s’apprêter à procéder à des coupes sombres de dizaines de millions de dollars dans le réseau de la santé et à retarder certains travaux d’infrastructures, pour équilibrer le budget de l’État au mépris des malades.
Lors d’un bref point de presse, le ministre Hébert a fait écho aux appréhensions de son prédécesseur en confirmant que Québec était en train de réévaluer les engagements pris par les libéraux en matière d’immobilisations dans le secteur de la santé, de même que le calendrier d’exécution des travaux.
En Chambre, il a mis le feu aux poudres en disant que s’il était en train de revoir le calendrier des travaux c’était en raison du manque de planification du gouvernement précédent, qui ne s’était pas assuré d’avoir les budgets nécessaires avant de procéder à de multiples annonces.
«Il y a des projets qui risquent d’être reportés dans toutes les régions du Québec», a-t-il commenté, une semaine avant le dépôt du budget par son collègue Nicolas Marceau.
Selon le ministre Hébert, l’ancien gouvernement libéral a procédé à plusieurs annonces en santé dans les mois précédant l’élection du 4 septembre, donc dans un souci «carrément électoraliste» et de façon irresponsable.
Il reproche aussi aux libéraux de ne pas avoir donné la priorité aux projets d’immobilisations, ce qu’a nié M. Bolduc.
Les grands chantiers des projets de méga-hôpitaux présentement en cours à Montréal seront cependant épargnés par la révision effectuée au ministère de la Santé, a précisé le ministre.
«C’est d’abord les coupures, et après les soins», a déploré Yves Bolduc, en résumant sa vision de la manière Hébert. Selon l’ancien ministre, les gens du réseau de la santé vont s’ennuyer de lui avant longtemps.
Il dit que c’est la panique qui s’installe présentement dans le réseau, les gens ne sachant pas à quoi s’en tenir.
Après l’avoir insulté en Chambre, M. Bolduc a tracé un portrait peu flatteur de l’actuel ministre de la Santé en point de presse. «C’est un théoricien. Cela fait plus de 10 ans qu’il n’a pas mis les pieds dans les établissements de santé. C’est un gars qui était dans une université, qui est allé en France» pendant des années, a-t-il dit.
Durant l’échange en Chambre entre les deux médecins-politiciens, le ministre Hébert a par ailleurs confirmé que le budget de la semaine prochaine va concrétiser l’engagement du gouvernement de créer une assurance-autonomie afin de financer l’accroissement des services de soins à domicile destinés aux personnes âgées.
Le financement de cette assurance sera effectué à même l’impôt sur le revenu des contribuables, sans exiger une quelconque cotisation financière supplémentaire, a-t-il précisé.