Elle est là, recroquevillée dans un coin de sa chambre. Les mains sur le visage comme pour cacher sa honte. Les larmes coulent à flots et rien ne semble pouvoir les arrêter. À l’autre extrémité de la pièce, un enfant pleure. Aucun de ses cris ne semble pouvoir sortir la mère de sa torpeur. Autour d’elle, le chaos! Du sang sur les murs, de la vaisselle cassée, un tourbillon d’incompréhensions, une existence bouleversée: la violence a frappé.
Ses amis l’interrogent sur ce qui s’est passé. T’a-t-il touchée? T’a-t-il frappée? Entre ses sanglots, la réponse détonne vu la violence de la scène… NON. À cet instant, son expérience de la violence est relativisée, voire diminuée. On lui explique que cela aurait pu être pire, qu’il y a des hommes qui font preuve de beaucoup plus de violence. Que ce ne sont que des pertes matérielles et qu’elle doit se compter chanceuse de ne pas avoir reçu des coups de la part de son conjoint. La violence physique serait donc plus condamnable que la violence émotionnelle, psychologique ou verbale. Il existerait donc une hiérarchie de la violence faite aux femmes basée sur le nombre de coups encaissés.
Comme elle est incomprise, son refuge devient le silence. Elle seule peut traduire le mal invisible qui la consume. Son mutisme devient sa prison, un cachot bâti de l’intérieur sur fond de colère, de honte, de culpabilité et de regrets. Une question lui revient sans cesse: «Pourquoi ne suis-je pas partie plus tôt? Il y a eu ces colères, ces comportements néfastes, ces manipulations psychologiques destructrices. Pourquoi ne suis-je pas partie plus tôt?» Elle n’a aucune cicatrice, aucune preuve physique de la violence qu’elle a subie, qui pourrait lui attirer une certaine compassion.
Tout est invisible, tout est psychologique! Personne ne semble comprendre sa détresse. Personne ne semble réaliser les différents visages de la violence; elle-même ne semble pas tout comprendre, aveuglée par l’amour.
La mort de Christine St-Onge, ou plutôt son meurtre – duquel son copain est le suspect principal –, nous oblige (encore) à nous questionner sur notre façon de traiter la violence conjugale et la violence faite aux femmes. En tant que société et en tant qu’humains, nous devons faire un état des lieux et revoir nos comportements quant aux différents types de violence que les femmes subissent. Il ne suffit plus de condamner après coup l’impardonnable et l’irréversible. Il faut intervenir et sensibiliser quand nous sommes témoins de comportements inscrits dans le cercle de la violence. Il ne faut plus rester silencieux quant aux abus. Il ne faut pas banaliser les gestes qui contribuent à installer une spirale violente dans les relations de couple. Il faut être à l’écoute et sensibles aux cris de détresse parfois inaudibles lancés par des femmes qui se sentent impuissantes.
La femme recroquevillée, c’était moi, il y a à peine un an et demi. En la mémoire de Christine St-Onge, j’écris ces mots aujourd’hui pour toutes celles qui n’en ont pas la force. Il n’y a pas pire violence que le silence!