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SNC-Lavalin et le dilemme moral

On dit qu’on se trouve face à un dilemme éthique ou moral lorsqu’on se trouve dans une situation qui présente un conflit entre des principes ou des valeurs essentiels. Dans de telles situations, quelles que soient la décision qu’on prendra et l’action qu’on entreprendra, on empiétera inéluctablement sur un ou plusieurs de ces principes ou valeurs.

Nous avons tous vécu de telles situations. Il nous arrive quelquefois de ne pas tout dire ou d’embellir la réalité pour ne pas peiner ou vexer un proche: «Le souper était bon ce soir, chérie.» Nous résolvons un dilemme banal en décidant que «ne pas faire de la peine aux autres» est plus important que «toujours dire toute la vérité». Mais il y a des cas où on se trouve face à des dilemmes moraux très complexes et où nos choix ainsi que nos décisions peuvent avoir de graves conséquences. C’est le cas de l’affaire SNC-Lavalin.

De hauts dirigeants de cette entreprise sont accusés d’avoir payé des pots-de-vin à des décideurs libyens afin d’obtenir des contrats fort juteux pour l’entreprise. C’est illégal, selon les lois canadiennes et internationales, et c’est bien évidemment immoral et contraire à l’éthique. En tant qu’entité morale, SNC-Lavalin pourrait perdre la possibilité de participer aux projets fédéraux pendant 10 ans.

En même temps, SNC-Lavalin emploie près de 9 000 personnes au Canada, principalement au Québec et en Ontario. La très grande majorité de ces employés sont des gens honnêtes, des travailleuses et des travailleurs chevronnés, dont certains ont donné plusieurs années de leur vie à l’entreprise. Des gens normaux comme vous et moi qui ont une famille à nourrir et une hypothèque à payer. Ils n’ont rien à se reprocher et sont plutôt les victimes de la corruption d’une poignée de dirigeants. Ils ne devraient pas avoir à subir les conséquences des erreurs des autres.

D’où le dilemme: d’un côté, si SNC-Lavalin est condamnée à ne plus participer aux contrats publics au fédéral, plusieurs centaines voire milliers d’employés perdront leur emploi. De l’autre, si SNC-Lavalin n’est pas condamnée, cela minera la confiance populaire en nos institutions en envoyant un signal très négatif: il y a des entités au-dessus des lois – «too big to fail» – qui pourront toujours s’en tirer à bon compte.

Ce n’est pas simple.

Je pense que l’ancienne ministre de la Justice du Canada Jody Wilson-Raybould aurait pu accepter le compromis légal d’une entente contraignante qui aurait obligé SNC-Lavalin à payer une lourde amende et faire l’objet d’une surveillance serrée pendant quelques années, sans la priver totalement des contrats publics. Ça aurait été juste et aurait pu sauver des centaines d’emplois. Son entêtement à balayer cette option du revers de la main me laisse perplexe.

Cela dit, Justin Trudeau et son entourage devraient payer le prix politique de leurs tentatives maladroites d’influencer politiquement le travail et la décision de la procureure générale. Sur ce point, le peuple jugera dans quelques mois.

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