Giuseppe Borsellino a nié catégoriquement avoir payé une cote à la mafia ou tout autre groupe lié au crime organisé. Il a reconnu qu’il connaissait les Rizzuto, mais assure qu’il n’a jamais fait d’affaires avec eux.
Le témoignage de M. Borsellino, président de Construction Garnier, s’est poursuivi mercredi et c’est au prix de nombreux efforts que la commission est parvenue à arracher des aveux.
Ce qui a amené le témoin à parler de la mafia est une question du procureur Me Simon Tremblay qui lui a demandé s’il avait déjà intimidé des entrepreneurs. Il a soutenu que non, mais a raconté s’être fait battre par trois hommes, en 2009.
Les commissaires ont saisi la perche et ont talonné le témoin jusqu’à ce qu’il admette que l’événement «pourrait être relié à la mafia», mais il est resté vague. Il dit avoir subi une opération pour se faire reconstruire le visage, mais n’a jamais porté plainte.
S’il a convenu que le geste était sans doute un message, il a prétendu ne pas savoir qui en était l’auteur et encore moins quel était ce message. Il a ajouté que le milieu de la construction était «peut-être» infiltré par la mafia, mais il n’a pu nommer une entreprise ou un entrepreneur.
«M. Borsellino, avez-vous déjà payé une cote à la mafia?», lui a demandé la présidente France Charbonneau. «Non, a-t-il répondu, sans hésitation. J’aurais préféré donner les clefs de mon entreprise».
L’entrepreneur a admis avoir fréquenté le Consenza, le quartier général du clan Rizzuto. Il a toutefois précisé qu’il n’a fait que des paiements pour des activités de financement de l’Association Cattolica Eraclea du nom du village de leurs ancêtres.
Il a toutefois eu du mal à se rappeler s’il avait assisté au mariage du fils de Vito Rizzuto, Leonardo, en 1999. Le procureur a fini par lui préciser que la GRC avait relevé son numéro de plaque d’immatriculation de voiture sur les lieux. La mémoire de M. Borsellino lui est alors revenue.
Selon lui, il n’y a pas de système de collusion pour les contrats du ministère des Transports du Québec. M. Borsellino est de retour jeudi, il sera notamment question de financement politique.
« Je vous ai dit, ma mémoire n’est pas bonne » – Giusepppe Borsellino
Beaucoup de questions, peu de réponses
C’est au prix de longs échanges et de nombreux détours que la commission parvient à lui arracher des aveux.
La commission a réussi à démontrer que M. Borsellino a truqué des contrats sur des projets qui n’étaient pas liés à Gilles Surprenant. Cela contredit la version de l’entrepreneur qui avait affirmé mardi que le fonctionnaire était l’instigateur de la collusion et l’homme par qui tout transigeait dans le système.
Par la suite, le procureur Me Simon Tremblay a tenté de lui faire dire pourquoi il a invité Robert Marcil, qui était directeur de la Réalisation des travaux à la Ville de Montréal, en voyage en Italie, en octobre 2008?
M. Borsellino a expliqué que ses relations avec la Ville n’étaient pas très bonnes et qu’il souhaitait les améliorer. Me Tremblay a donc analysé divers contrats et appels d’offres préalables au voyage pour démontrer que la situation n’était pas aussi grave que le témoin alléguait.
Après une heure d’interrogatoire, entre le témoin, qui semblait se perdre dans la complexité des questions du procureur et ses troubles de mémoire, la commission avançait à pas de tortue. Le procureur a fini par suggérer au témoin qu’il aurait amené M. Marcil en voyage pour le remercier d’avoir approuvé le paiement pour des travaux d’urgence sur la rue Sherbrooke en août 2008. Le contrat de près de 5,5 M$ avait été octroyé sans appel d’offre puisqu’il s’agissait de travaux d’urgence.
Le témoin a persisté à dire que le voyage visait à améliorer ses relations avec la Ville de Montréal, ce qu’il qualifie de «développement des affaires».
Il a reconnu qu’il a pu avoir donné à Luc Leclerc près de 115 000$, dont près de 50 000$ en rénovation pour son le restaurant.
Quant aux autres fonctionnaires – Yves Themmens, Michel Paquette et François Thériault – il dit n’avoir rien donné d’autres que les petits cadeaux habituels (généralement des sorties au restaurant, des bouteilles de vin, des billets de hockey).
Au sujet de Gilles Vézina, il a déclaré: «J’ai peut-être remis de l’argent de l’argent à Gilles Vézina, mais…c’est sûr que je ne me souviens pas».
À pas de tortue
La commission avance très lentement depuis quelques jours. Plusieurs raisons expliquent cette situation.
- D’abord, le témoin Giuseppe Borsellino a refusé de rencontrer les procureurs de la commission pour préparer son témoignage.
- De plus, la tâche d’interroger le témoin coriace revient au plus jeune procureur de l’équipe, Me Simon Tremblay.
- Par ailleurs, comme le témoin répond souvent qu’il «ne se souvient pas», Me Tremblay se voit contraint de produire plusieurs éléments de preuve, ce qui alourdit les échanges.