D’après eux, le GIEC est une «religion» et la crise climatique n’a de crise que le nom. Les «climato-réaliste», comme ils se surnomment, s’organisent au Canada et ont le profil tout craché de climatosceptiques, estiment des experts.
Le Groupe d’intérêt sur le réalisme climatique (CCRIG) tenait des séminaires à Montréal, mercredi dernier, puis à Toronto, jeudi. Derrière leurs revendications se tient la théorie que «le climat change, mais qu’il a toujours changé».
Selon le président de cette coalition, John Zacharias, «le degré de changement ne constitue pas une crise».
Quelques dizaines de personnes se sont assemblées mercredi au très huppé Club Mont-Royal, sur la rue Sherbrooke, afin d’échanger sur ces théories fortement contestées. Parmi les invités se trouvait Patrick Moore, controversé lobbyiste cité entre autres par Maxime Bernier et Donald Trump. Selon lui, «le CO2 contribue au verdissement de la planète».
Un certain Tom Harris, directeur exécutif de l’International climate science coalition (ICSC), s’est aussi exprimé mercredi dans la métropole. L’ingénieur mécanique de formation a déjà enseigné à l’Université Carleton, à Ottawa. Le cours qu’il donnait avait alors été critiqué par un groupe de scientifiques pour sa matière «climatosceptique».
Plusieurs partis fédéraux ont fait part, durant la campagne électorale canadienne, de leur intention de mettre fin aux subventions faites à l’industrie pétrolière et gazière. Au volant de l’ICSC, Tom Harris pousse plutôt les gouvernements à abandonner toute subvention… aux énergies solaires et éoliennes.
Aux côtés de Tom Harris siège Jay Lehr, ex-directeur du Heartland Institute, un «think tank» américain financé par l’industrie du carbone, selon le quotidien britannique The Guardian.
Des théoriciens non-scientifiques?
Les organisations climatosceptiques attirent une minorité faible de scientifiques spécialisés dans les dossiers climatiques, selon Sebastian Weissenberger, professeur à l’Institut des sciences de l’environnement de l’UQAM. Leur majorité des participants est formée de non-scientifiques ou de gens issus d’autres branches de la science.
M. Weissenberger se spécialise dans l’étude du climatoscepticisme.
«Ce sont souvent des gens qui viennent d’un autre domaine et qui n’ont aucune connaissance dans les changements climatiques, avance M. Weissenberger. Ils sont souvent de mauvaise foi et tentent d’inventer des théories pour les faire passer pour de la science.»
Les allégeances politiques ont un rôle à jouer, considère également le spécialiste en changements climatiques.
«Souvent aux États-Unis et au Canada anglais, ce sont des personnes qui sont plus proche du Parti républicain ou de partis conservateurs», lance-t-il.
L’organisation du mouvement climatosceptique au Canada pourrait donc passer par des lignes partisanes, comme le fait le modèle américain, souligne M. Weissenberger.
«Aux États-Unis, le débat s’est tellement polarisé que, quand on fait des sondages auprès de la population, tous les électeurs républicains vont contester la théorie des changements climatiques», analyse l’expert.
«Ça devient un débat qui n’est plus du tout scientifique», ajoute-t-il.
Des origines au sud
Selon Sebastian Weissenberger, ce type de théorie, qui va à l’encontre du consensus scientifique sur le réchauffement de la planète, prend racine aux États-Unis.
«Ça fait quand même au moins vingt ans qu’ils sont assez actifs [au Canada]. C’est la même nébuleuse qui existe aux États-Unis. D’ailleurs, souvent il y a des alliances qui se font», observe l’expert.
La base américaine à l’origine de ce mouvement attire environ «1 G$ par an» issus de fonds politiques et de «think tanks» par exemple, constate M. Weissenberger.
Les théories climatosceptiques peuvent trouver leur origine dans la résistance au changement, croit le professeur au Département de physique de l’Université de Montréal Normand Mousseau. «Les gens se sentent agressés, touchés dans leur mode de vie. C’est aussi une réaction de dire: plutôt que de changer mon mode de vie, je vais nier», explique l’expert en questions énergétiques.
Environ 30% de la population québécoise ne croit d’ailleurs pas à l’influence de l’activité humaine sur les changements climatiques, selon une large étude de l’Université de Montréal.
Fronde contre le GIEC
Comme plusieurs groupes du même cru, le CCRIG dénonce les conclusions du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Cet organe de l’Organisation des nations unies (ONU) appuie ses recommandations sur les conclusions de milliers de documents scientifiques.
D’après John Zacharias, le GIEC «n’est pas une organisation impartiale». «Ils ont ignoré toute la recherche sur les influences du soleil et des particules intergalactiques», suggère-t-il.
Pourtant, croit Normand Mousseau, les implications politiques de l’organisme intergouvernemental relativisent les objectifs climatiques énoncés.
«Le GIEC c’est d’abord un groupe de scientifique, mais qui passe par un filtre politique. Quand on regarde le consensus scientifique, l’impact évalué est plus élevé que ce que le GIEC présente», souligne le professeur.
«Le message du GIEC est moins fort qu’il le serait s’il ne venait que de la communauté scientifique.» – Normand Mousseau