Le verdict a tout récemment sonné: 12 indépendantistes catalans ont été jugés et condamnés pour avoir organisé, en octobre 2017, un référendum sur l’autodétermination suivi, quelques semaines plus tard, d’une déclaration d’indépendance votée par le Parlement de la riche région du nord-est espagnol. On parle ici de la plus violente crise politique depuis la fin du régime franquiste.
D’aucuns, les indépendantistes évidemment au premier chef, ont crié leur rage désapprobatoire à la suite des sanctions prononcées. Ils ont raison. Drôlement, d’ailleurs. C’est pourquoi le quasi-ensemble des élus ont joint leurs voix aux leurs. Tous? Non. Manquait le PLQ. Gênant, vraiment.
Les peines imposées, cela dit, sont loin d’être non conformes au droit espagnol.
Et il est justement là, le problème.
La Constitution espagnole interdit formellement le fractionnement de son territoire, cela rendant impossible, en droit interne, la sécession catalane. Le problème réside non pas dans l’application de la loi, mais bien dans le réconfort que certains semblent trouver dans le déni de la volonté démocratique, le tout à l’aide d’un État de droit illégitime.
Hein? Bérard qui remet en cause l’État de droit? Esta loco de la cabeza? Ouais. Parce qu’afin qu’un État de droit puisse prétendre asseoir les règles du jeu démocratique, encore faut-il qu’il tienne justement compte de cette même démocratie…
Comme l’expliquait à juste titre la Cour suprême du Canada dans le litigieux Renvoi sur la sécession du Québec, démocratie et primauté du droit ne sont pas aux antipodes, mais bien symbiotiques, c.-à-d. que l’un ne peut aller sans l’autre.
Or, c’est justement la posture qu’emploie ici Madrid afin d’étouffer le désir démocratique du peuple catalan: se réfugier derrière un (injuste) État de droit refusant de considérer la volonté populaire.
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Qu’en est-il, je vous entends d’ici, du droit international? Le droit à l’autodétermination des peuples n’est-il pas reconnu depuis belle lurette? Oui, mais… non.
En fait, il existe deux droits à l’autodétermination: un «interne», dont jouissent tous les peuples, mais qui ne peut permettre l’indépendance; un «externe», aussi qualifié de «droit à la sécession-remède», lequel assure en droit l’indépendance de son bénéficiaire. Reste, cela dit, que son obtention relève aujourd’hui du quasi-miracle.
Ses critères, non cumulatifs, sont les suivants: le peuple ou la nation le réclamant se doit d’être soit a) colonisé; b) sous oppression d’une force étrangère (pensons au cas Koweït-Irak); c) victime du viol de son droit à l’autodétermination interne, discuté précédemment.
Évacuons d’entrée de jeu les deux premiers critères; reste le dernier. Même si la question se veut d’intérêt, sa réalisation risque d’être archidifficile, du fait de ceci: même si les droits démocratiques catalans sont ici indubitablement violés, certains plaideront qu’il leur est possible de jouir d’une relative autonomie, leur Parlement au premier chef.
Est-ce à dire que la chose, c’est-à-dire obtenir un droit à la sécession-remède, est aujourd’hui impossible? Non, mais compte tenu de la sévérité avec laquelle les critères sont évalués par les instances internationales, disons qu’il y a loin de la coupe aux lèvres. Surprenant? Pense pas, non. Pourquoi? Parce que ceci: qui crée et applique le droit international, sinon les États déjà… existants?
Morale de l’histoire? Les désirs indépendantistes passent aujourd’hui par le droit interne et non par le droit international. Encore faut-il, cela dit, que les Madrid, Londres, Ottawa, Paris, Moscou et Bejing de ce monde acceptent de jouer le jeu. Autant déplorablement injuste qu’ardu.