Alors que le gouvernement Legault a dévoilé lundi son plan de réouverture «graduelle» des écoles, plusieurs acteurs du milieu de l’éducation soulèvent des inquiétudes et dénoncent le «manque de consultation» des autorités dans le processus. Certains s’expliquent mal la logique derrière les choix de l’État, et réclament la possibilité de se faire entendre.
Nombre d’enseignants, notamment, ont du mal à comprendre ce qui leur arrivera dans les prochaines semaines. Une enseignante de première année, jointe par Métro, s’inquiète que ses élèves n’auront pas la maturité suffisante pour comprendre la situation.
«La distanciation est difficile à expliquer à des enfants. Certains voudront me faire un câlin et ne comprendront pas pourquoi je les repousse. Et quelles seront les mesures? Je n’ai pas de bureaux. Les élèves ont des tables pour deux. Il n’y a pas non plus de lavabo dans ma classe pour se laver les mains.» – Une enseignante ayant demandé l’anonymat.
Une seconde enseignante au primaire, qui œuvre dans une classe de quatrième année de la Commission scolaire de Montréal (CSDM), croit pour sa part que la mesure pourrait accentuer les pénuries de personnels. «Ça met les enseignants à risque. On faisait déjà beaucoup de travail supplémentaire et de remplacements d’urgence. Ils nous demandent de venir, même s’ils savent qu’on manque de ressources», illustre-t-elle.
Trop vite, trop opaque disent les syndicats
«On ne sait même pas sur quoi le gouvernement se base. Il nous laisse dans le néant complet, et pendant ce temps-là, on nous parle de transparence? C’est nous qui serons avec les enfants, c’est sur nous que va reposer ce plan. La moindre des choses serait de nous impliquer davantage», martèle pour sa part le président de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), Sylvain Malette.
Il estime que le plan de l’État «ne répond en rien aux inquiétudes des parents». «On n’est pas contre la réouverture des écoles, mais ça ne se fera pas sur le coin d’une table. Ce n’est rien de bon pour le climat déjà très anxiogène qui règne en ce moment», dit-il.
À la Fédération du personnel de soutien scolaire (FPSS), le président Éric Pronovost appelle à la prudence. «On a deux semaines pour mettre tout ça en place. Je trouve qu’on va trop vite. Oui, les enfants sont bien à l’école, mais encore faut-il que ce soit un environnement sain», implore-t-il.
«Je ne voudrais pas qu’on fasse une erreur monumentale, et qu’on se retourne après pour dire qu’on n’aurait pas dû. Il y a tellement de mesures à préciser.» -Éric Pronovost, de la FPSS
Même son de cloche pour la présidente de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), Sonia Ethier. «Il y a encore des centaines de questions logistiques qui doivent trouver réponse. Particulièrement en ce qui concerne la santé et la sécurité du personnel, des élèves et de leur famille», scande-t-elle. On dit depuis le début qu’on veut faire partie de la solution: c’est aujourd’hui crucial de mettre au jeu notre expérience en éducation et en petite enfance.»
Ouverture «nécessaire»
Les directeurs d’écoles, eux, disent comprendre la décision de Québec. «On sait qu’il n’y aura pas de vaccin avant deux ans», laisse tomber la présidente de l’Association montréalaise des directions d’établissement scolaire (AMDES), Hélène Bourdages.
«On ne va pas laisser les enfants sans apprentissage pendant deux ans», poursuit-elle.
Elle félicite le gouvernement de procéder dès maintenant au retour au travail du personnel, avec quelques bémols. «On aura besoin de temps de concertation. […] On va bénéficier de ce que nos collègues du reste du Québec vont faire», précise Mme Bourdages.
En deux temps
Québec a dévoilé lundi son intention de rouvrir les écoles primaires et les services de garderie à compter du 11 mai. Pour la région de Montréal, il faudra attendre au 19 mai. Quant aux écoles secondaires, aux cégeps et aux universités, la réouverture n’aura pas lieu avant la fin du mois d’août, pour prévenir les déplacements de ces étudiants dans le transport collectif, entre autres.
Malgré tout, le retour en classes ne se fera que «si et seulement si la situation demeure comme en ce moment», a précisé le premier ministre François Legault. Il assure que les parents qui choisissent de garder leurs enfants à la maison ne seront «jamais» pénalisés.
«On rouvre nos écoles pour des raisons sociales. La situation est sous contrôle, en particulier dans notre système hospitalier.» -François Legault, premier ministre du Québec, ajoutant que le risque de contagion est limité chez les jeunes
En collaboration avec Félix Lacerte-Gauthier et François Carabin