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Mort de Joyce Echaquan: l’infirmière peut-elle aller en prison?

Joyce Echaquan,une femme autochtone meurt à l'hôpital de Joliette dans des conditions douteuses et racistes

Joyce Echaquan est décédée à l'hôpital de Joliette après avoir partagé sa vidéo qui témoigne de mauvais traitements.

On ne connaît pas encore les résultats de l’enquête du coroner autour des circonstances troubles dans lesquelles est décédée une femme autochtone, Joyce Echaquan, mais on peut se poser une question: que risque l’infirmière? 

Une vidéo diffusée sur Facebook a suscité lundi l’effroi et l’émotion au sein de la communauté atikamekw mais également à travers tout le Québec. Les images choquantes filment un intervention d’infirmières auprès d’une mère de sept enfants, Joyce Echaquan, quelques moments avant son décès à l’hôpital de Joliette. Elle subit une pluie d’insultes dégradantes, racistes et d’une violence extrême.

Quelques heures plus tard, le premier ministre François Legault a confirmé que l’établissement avait congédié l’infirmière et qu’une enquête interne était en cours au CISSS de Lanaudière. L’élu caquiste «n’exclut rien» lorsqu’interrogé sur la possibilité de demander une enquête policière.

Mais que risque l’infirmière réellement? Et quelles sont les options légales qui s’offrent désormais aux héritiers et au conjoint de Joyce Echaquan? 

Ça dépend si l’on prouve ou non la négligence criminelle

Le cas n’offre pas de réponses simples. D’abord, il faudrait prouver qu’il y ait eu une négligence criminelle. Pas une surdose de morphine administrée par erreur, mais un cas «d’insouciance déréglée et témémaire à l’égard de la vie d’une personne», explique à Métro la criminaliste Me Danièle Roy. 

En gros, s’il était prouvé que le degré de négligence de l’infirmière ait atteint un tel niveau d’insouciance qu’il ait causé la mort de Joyce Echaquan (et pour le moment, on n’en sait rien du tout), alors le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) pourrait entamer devant la Cour du Québec une poursuite criminelle contre l’infirmière. 

Celle-ci risquerait alors jusqu’à 10 ans d’emprisonnement pour négligence criminelle ayant causé la mort.

À voir: vigile à la mémoire de Joyce Echaquan

Les enfants pourraient réclamer des compensations financières

Mais dans le cas où la négligence criminelle soit écartée, le cas irait plutôt au civil. 

En effet, même s’il était prouvé que l’infirmière ait commis une erreur médicale (par exemple: une administration trop élevée de morphine), on ne peut pas alors la poursuivre au criminel. Cela relèverait d’un dossier civil, en responsabilité médicale. 

Ici, c’est un peu plus complexe encore, comme nous l’indique la spécialiste en droit médico-légal Me Kim Ferré, de Medlegal. 

La poursuite serait alors entamée contre l’hôpital de Joliette et non pas contre l’infirmière à titre individuel (puisqu’elle est salariée). 

Les sept enfants pourraient réclamer des dommages compensatoires pour la perte de leur mère, tout comme le conjoint de Joyce Echaquan. Ils pourraient également obtenir, à titre d’héritiers, des montants compensatoires accordés à Joyce Echaquan elle-même. Même si elle est décédée, elle peut en recevoir pour le traitement qu’elle a subit de son vivant. 

Mais encore faudrait-il qu’il y ait bien eu une erreur médicale, qu’elle ait entrainé la mort, et que cela soit prouvé. Mais on n’en sait rien pour l’instant. Si cela s’avère, l’infirmière ne risquerait alors pas la prison si la négligence criminelle a déjà été écartée. 

Et les insultes racistes alors?

«L’article 4 de la Charte des droits et libertés de la personne stipule que toute personne a droit au respect de sa dignité, de son honneur et de sa réputation», souligne l’avocate Me Ferré. 

La famille pourrait donc s’appuyer sur la Charte pour obtenir compensation et se tourner vers le Tribunal des droits de la personne. L’article 49 prévoit des compensations punitives. Encore une fois, ces compensations seraient seulement financières. 

L’infirmière pourrait toutefois se voir radiée définitivement de la profession. Mais seulement si l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec en décidait ainsi. Et seulement si la famille portait plainte devant l’Ordre. Une radiation ne serait toutefois pas garantie, puisque les sanctions peuvent aller de la simple réprimande à la radiation définitive. 

Notons que l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec a offert ses «plus sincères condoléances» à la famille. Il a dit déplorer qu’un professionnel de la santé «ait eu un tel comportement». 

Il y aura un rassemblement pacifique samedi à Montréal, à la mémoire de la mère de famille décédée. Le départ aura lieu à la place Émilie Gamelin à 13h.

– En collaboration avec François Carabin

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