Québec s’entend avec l’entreprise d’hébergement touristique Sonder pour investir 30 M$ dans des bureaux montréalais et créer 700 emplois en territoire québécois. Une décision insensible «dans le contexte de pénurie de logements», selon un organisme.
Au total, Québec investira 30 M$ dans l’aventure, qui vise à agrandir deux des centres de commandement de Sonder dans la métropole. Le projet en coûtera 182 M$ à la compagnie d’origine montréalaise.
Une part du prêt d’Investissement Québec est pardonnable.
Avec ces fonds, Sonder doit ramener une partie de ses employés dans la métropole. Son siège social est installé en Californie.
«Aujourd’hui, je me paie la traite», a souligné le premier ministre François Legault, qui en faisait l’annonce au centre-ville, mercredi.
Une entreprise en mutation
L’entreprise fait dans la location à court terme de chambres luxueuses dans une trentaine de villes. À Montréal, elle détient 250 espaces dans six adresses, toutes considérés comme des «résidences de tourisme» ou des hôtels.
À sa création, l’opérateur procédait pratiquement de la même manière que des plateformes comme AirBnB, en sous-louant des appartements à court terme en milieu urbain.
Dans de précédents reportages, Métro avait rapporté les prix faramineux de certains de ses appartements montréalais, installés en partie dans des secteurs à dominante résidentielle. Sonder maintient qu’elle ne répond plus aujourd’hui aux mêmes définitions que les entreprises de location à court terme de type AirBnB.
Or, selon la porte-parole du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), Véronique Laflamme, l’investissement de Québec envoie un mauvais message.
«Ça fait dire que la crise du logement, ça passe en deuxième. On encourage la plateforme, on lui donne des avantages, alors que Montréal vit sa pire crise du logement en quinze ans», s’insurge-t-elle.
«C’est bien beau créer des emplois, mais les gens n’arrivent pas à se loger décemment.» – Véronique Laflamme
Selon les co-fondateurs de Sonder, l’entreprise s’assure de ne pas s’installer dans des espaces résidentiels.
«Une distinction qu’on doit faire, c’est qu’on travaille avec des développeurs immobiliers pour construire des propriétés ou convertir des bâtiments commerciaux. On ne retire pas d’espaces du marché», a tenu à assurer l’un d’eux, Francis Davidson.
Une réponse qui ne satisfait pas le porte-parole du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ), Maxime Roy-Allard. D’après lui, les opérations de Sonder, même comme hôtelier, ont le don d’«affecter la vie de quartier» dans la métropole.
«Ils contribuent à la spéculation immobilière», analyse-t-il.
Montréal reste alerte
À la Ville de Montréal, la mairesse Valérie Plante accueille avec prudence l’annonce du gouvernement provincial. Elle se réjouit notamment de l’ajout de plusieurs centaines d’emplois en territoire montréalais.
«En contrepartie, [une entreprise comme] Sonder a un impact sur le marché immobilier et la disponibilité de logements, ajoute son attachée de presse, Geneviève Jutras, dans un échange de messages texte. Il est primordial que le gouvernement du Québec investisse dans la rénovation et dans la création de logements sociaux lors de son prochain budget et que l’entreprise respecte les règles existantes.»
C’est d’ailleurs aux villes et aux arrondissements que revient le droit d’appliquer et d’adapter le cadre réglementaire en hébergement touristique.
Contacté mercredi par Métro, le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation a tenu à préciser que «les municipalités peuvent contrôler les usages sur leur territoire par leur règlement de zonage. Elles peuvent donc prohiber et autoriser certains usages sur leur territoire, par zone».
En septembre 2019, l’arrondissement de Ville-Marie s’était lancé dans l’étude d’un règlement pour mieux définir ce qu’est un «hôtel». Ville-Marie abrite trois hôtels opérés par Sonder.