La procureure Sonia LeBel a talonné Nicolo Milioto mardi au sujet de ses liens avec la mafia. Ce dernier n’avait que des réponses vagues à lui offrir, ce qui a forcé la présidente à brandir le spectre de l’outrage au tribunal et du parjure. «Qu’est-ce que la mafia?» lui a demandé la présidente France Charbonneau, en début de journée. « Je ne sais pas », a rétorqué le témoin. Le ton était donné et ce « je ne sais pas » a été le premier d’une longue série.
Nicolo Rizzuto, dans la mafia? Le pizzo, cette taxe collectée par la mafia? Si ce n’était pas des médias, M. Milioto n’en aurait rien su, si l’on se fie à son témoignage.
Il a nié appartenir à la mafia ou être l’intermédiaire entre cette dernière et les entrepreneurs. L’homme de 64 ans a précisé que depuis son arrivée au Québec, à 18 ans, il a toujours travaillé 70 heures par semaine. « Un membre de la mafia, ça ne travaille pas 70 heures semaine », s’est-il défendu. Malgré le visionnement des images vidéo filmées au café Consenza sur lesquelles on aperçoit M. Milioto échanger et compter des liasses de billets, il est resté particulièrement évasif.
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Il a expliqué qu’il n’a jamais demandé pourquoi Lino Zambito lui avait confié des sommes d’argent, à 7 reprises environ, afin qu’il les remette à Nic Rizzuto. Pas plus qu’il n’a posé de questions lorsque le patriarche du clan lui aurait demandé de compter de l’argent. Le témoin a admis que M. Rizzuto lui a déjà prêté de l’argent, une seule fois, mais il ne se souvient plus pourquoi.
En ce qui concerne l’industrie de la construction, il a reconnu qu’il connaissait Joe Borsellino, le témoin précédent. Les deux hommes sont originaires du même village en Sicile, Cattolica Erraclea.
Me LeBel lui a aussi demandé s’il connaissait Paolo Renda, Francesco Arcadi, Rocco Solleccito, Lorenzo Giordano, Francesco DelBalso, des lieutenants du clan Rizzuto. Il a affirmé les connaître vaguement.
En milieu de matinée, la présidente s’est impatientée et a suspendu l’audience, le temps que l’avocat de M. Milioto lui explique ce qu’est un outrage au tribunal et une accusation de parjure. Encore à 14 heures, elle lui a rappelé que des réponses vagues peuvent conduire à des accusations d’outrage.
Me LeBel a cherché à savoir pourquoi, s’il travaillait 70 heures par semaine dans son entreprise de construction, il prenait le temps de jouer les «facteurs» et les «comptables». M. Milioto n’avait qu’une seule réponse : «je suis un homme serviable».
En fin de journée, il a reconnu avoir manqué de jugement en acceptant de rendre tous ces services pour l’homme à la tête du clan mafieux, mais il s’est dit certain que ces sommes ne représentaient pas les cotes des entrepreneurs pour la mafia.