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Criminaliser les clients ne protège pas les travailleuses du sexe, selon une étude récente

La criminalisation des clients ne protège pas les travailleuses du sexe qui, souvent, ont trop peur d’appeler la police, démontre une étude du Centre for Gender & Sexual Health Equity (CGSHE) de l’University of British Columbia (UBC) et l’Université d’Ottawa.

En effet, près d’un tiers (31%) des travailleuses du sexe n’oseront pas appeler le 911, craignant qu’elles-mêmes, leurs collègues ou gérants soient interpellés par la police, révèlent les résultats de l’étude.

La recherche se fonde sur des données recueillies auprès de 200 travailleuses du sexe dans cinq villes canadiennes, dont Montréal, entre 2017 et 2018.

«Éradiquer la demande» du travail du sexe

L’étude démontre les préjudices causés par les lois visant à «éradiquer la demande» pour le travail du sexe introduites en 2014 par le gouvernement canadien.

Ce cadre juridique met l’accent sur la criminalisation des clients et des tierces parties dans cette industrie. Cependant, il maintenant dans certaines circonstances la criminalisation des travailleuses du sexe travaillant dehors.

Selon la première auteure de la recherche, Dre Anna-Louise Crago, la criminalisation selon le modèle «éradiquer la demande» reproduit les mêmes dangers et préjudices graves pour les travailleuses du sexe que les lois criminelles précédentes.

Effets néfastes de la criminalisation du travail du sexe

Sandra Wesley, directrice générale de l’un des plus grands regroupements de femmes et d’hommes œuvrant dans l’industrie du sexe, Stella l’amie de Maimie, observe les effets néfastes du changement de loi depuis 2014.

«C’est sûr qu’on a vu une détérioration de la qualité de vie et des conditions de travail [des travailleuses du sexe, en plus d’]une augmentation de la violence et une relation de plus en plus antagoniste avec les policiers», explique Mme Wesley.

D’ailleurs, l’objectif de la loi n’est aucunement la protection des travailleuses du sexe, soutient-elle. «L’objectif est d’éliminer entièrement tout travail du sexe au Canada avec la logique que la société est victimisée par l’existence des travailleuses du sexe. Donc, on se retrouve à être les ennemis à éliminer», émet-elle

Selon Mme Wesley, la violence est en fait «un résultat attendu» de la loi. «Souvent, ce qu’on entend de façon informelle, ce sont des policiers ou des personnes qui vont dire: si c’est assez dangereux, elles vont arrêter de le faire, ce travail-là», ajoute-t-elle.

Pire pour les Autochtones

Par ailleurs, l’étude révèle que les travailleuses du sexe issues des communautés autochtones ont deux fois plus de risques d’affirmer qu’elles ne peuvent pas composer le 911 lors d’une urgence sécuritaire.

«Ce modèle de criminalisation de l’industrie du sexe a été justifié comme nécessaire pour protéger les personnes les plus marginalisées dans l’industrie du sexe et pour assister les travailleuses du sexe à rapporter la violence à leur endroit. Nos données démontrent que les lois actuelles ont clairement échouées à ces objectifs», souligne Dre Crago.

De son côté, Sandra Wesley souligne que les femmes qui sont les plus à risque d’être arrêtées et incarcérées sont celles qui sont le plus à risque d’être victimes de violences, de disparaître et d’être assassinées.

«La majorité des femmes dont on parlait dans [l’enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones assassinées et disparues] était des travailleuses du sexe. Il n’y a pas eu d’actions immédiates de décriminaliser le travail du sexe», rappelle Mme Wesley.

Décriminaliser le travail du sexe

Selon Sandra Wesley, la solution est la décriminalisation totale du travail du sexe, tant pour les clients que les travailleurs.

L’organisme Stella est d’ailleurs membre de l’Alliance canadienne pour la réforme des lois sur le travail du sexe.

«Le travail du sexe n’est pas un enjeu criminel, c’est un enjeu de droit du travail, affirme Mme Wesley. Donc on veut retirer toutes lois spécifiques au travail du sexe, plutôt [que de faire en sorte] que les travailleuses du sexe puissent avoir accès aux normes du travail et à l’ensemble des protections que les autres travailleurs ont.»

Sandra Wesley espère d’ailleurs que cette étude sera une ultime preuve que la criminalisation du travail du sexe met des vies en danger et cause des violences.

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