Douze mois et 10 500 décès plus tard, le Québec tente toujours de panser ses plaies. Jeudi, dans une journée de commémoration nationale décrétée par le gouvernement, élus et dignitaires ont honoré la mémoire des Québécois qui sont morts de la COVID-19.
«On a perdu des grands-mamans, des grands-papas, des parents, des frères, des soeurs… Aujourd’hui le Québec se souvient de toutes ces personnes qui sont parties beaucoup trop vite», a souligné le premier ministre du Québec, François Legault, sous un ciel maussade.
Derrière lui flottait le fleurdelisé, en berne depuis l’aube sur la tour centrale de l’hôtel du Parlement.
Jeudi, peu après midi, dans le cadre de la «Journée de commémoration nationale en mémoire des victimes de la COVID-19», le premier ministre, les ministres de son gouvernement, Dr Horacio Arruda et les chefs des groupes d’opposition provinciaux ont tour à tour franchi la porte centrale du parlement pour ensuite se recueillir, rose blanche à la main.
Sur place, des dignitaires, mais aussi des proches de Québécois ayant succombé à la COVID-19.
Marie-Andrée Chamard, travailleuse en hygiène à l’Hôpital Jeffery Hale qui a perdu sa mère, Françoise, aux mains de la COVID-19 n’aurait pas imaginé être quelque part d’autre en ce 11 mars.
«Je ne pouvais pas refuser d’être ici. Ça rend hommage à ma mère, mais aussi aux gens qui ont vécu les mêmes choses que nous», a-t-elle confié aux médias après la cérémonie.
Dans sa lutte contre la COVID-19, le Québec présente le pire bilan du Canada. Au total, 10 518 Québécois ont perdu leur bataille face au coronavirus, laissant derrière eux des milliers de proches endeuillés.
«Ma mère nous a élevés toute seule. C’était notre fort. Quand tu perds ta mère, ce n’est plus pareil.» – Marie-Andrée Chamard, travailleuse du réseau de la santé
Des mots pour le réseau de la santé
Dans une courte déclaration, jeudi, M. Legault a voulu s’adresser aux travailleurs essentiels, au front depuis 12 mois dans ce qu’il appelle «la bataille de nos vies».
«Nos soignants et nos soignantes ont eu le courage d’aller auprès des patients infectés. Ce sont des héros. Toute la nation québécoise leur doit reconnaissance», a-t-il dit, quelques instants avant que soit observée une minute de silence nationale.
Pour Théthé Kalanga-Mutshiaudi, la cérémonie de jeudi fut l’occasion de saluer les dizaines de patients qu’elle a vus partir en tant que préposée aux bénéficiaires.
«Aujourd’hui, on peut pleurer ensemble. Et boucler la boucle», a-t-elle lancé.
Éducateur spécialisé, Nicolas Martel-Parisé a été «délesté» en zone chaude au Centre de convalescence Saint-Augustin, à Beauport, en octobre dernier. Il a vu des gens mourir, presque à chaque jour.
Quand il s’est avancé pour déposer sa rose lors de la cérémonie de jeudi, il a levé les yeux vers le ciel.
«J’ai vu tous les visages de ceux que j’ai accompagnés dans leurs derniers moments, raconte-t-il. Ça m’a permis de me remémorer le positif.»
Les parlementaires aussi
En matinée, les députés québécois avaient tour à tour souligné la mémoire des victimes.
«J’ai des amis qui ont perdu leurs parents de la COVID, avait affirmé la cheffe du Parti libéral, Dominique Anglade. J’ai des gens, des militants impliqués depuis des décennies avec moi dans mon comté qui nous ont quittés. La mort fait partie de la vie, c’est certain. Mais c’est la manière dont ça s’est fait, la manière brusque. C’est l’incapacité de dire au revoir…»
Pour la co-porte-parole de Québec solidaire Manon Massé, il est impossible de ne pas penser que certains de ces décès auraient pu et auraient dû être évités.
«En cette journée de commémoration, je veux qu’on se souvienne qu’on aurait pu faire mieux», a-t-elle signifié.
Il est donc plus que jamais le temps d’enclencher une commission d’enquête publique et indépendante, a continué de marteler le Parti québécois jeudi. Depuis cet hiver, les trois groupes d’opposition ont fait entendre leur désir qu’elle soit mise sur pied. Pour le moment, Québec n’en voit pas la nécessité.
«Le plus bel hommage qu’on peut rendre, c’est d’avoir une véritable commission d’enquête.» – Pascal Bérubé, chef parlementaire du PQ
La cérémonie du 11 mars est-elle là pour rester? «On soulignera assurément chaque année la mémoire des victimes, a indiqué jeudi l’attaché de presse du premier ministre, Ewan Sauves. Pour la forme, ce n’est pas déterminé encore.»