Québec «ne peut pas accepter» certains éléments du jugement de la Cour sur la Loi 21. Le gouvernement de François Legault portera la décision en appel.
C’est ce qu’a indiqué le ministre responsable de la Laïcité, Simon Jolin-Barrette, mardi. «Il n’y a pas deux Québec, il n’y en a qu’un seul», a-t-il lancé, en réaction à la décision de la Cour de différencier le traitement des enseignants des réseaux scolaires anglophone et francophone dans le port des signes religieux.
Les audiences se seront étirées sur près d’une demi-année. Mardi, le juge Marc-André Blanchard, de la Cour supérieure du Québec, a tranché: presque tous les éléments de la loi sont constitutionnels. Chez les employés de l’État en position coercitive, seuls les enseignants en commission scolaire anglophone et les élus pourront porter un signe religieux visible.
Or, si la Cour donne en grande partie raison à Québec, le premier ministre François Legault se dit insatisfait. «Je suis déçu du jugement. Je le trouve illogique», a lancé d’emblée le chef de la Coalition avenir Québec, lorsqu’interrogé sur la question, mardi.
Des échos à Québec
Dans les partis d’oppositions, les réactions étaient multiples. «Notre position ne change pas», a indiqué la cheffe du Parti libéral, Dominique Anglade, en matinée.
«Nous disons depuis le début que nous sommes en faveur de la laïcité de l’État. Ceci étant dit, nous voulons nous assurer que la loi passera le test des tribunaux», a renchéri l’élue, dont le parti avait voté contre le projet de loi 21, au printemps 2019.
Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, s’est dit déçu, mardi, que la Cour ait invalidé des articles de la loi. «Si vous vouliez une preuve de comment le cadre juridique canadien nous condamne à une imposition du modèle multiculturaliste sur le territoire québécois, vous l’avez», a-t-il dit.
«On vient nous dire: les anglophones, au Québec, sont différents des francophones, ils embrassent la diversité et ont raison d’accorder une importance particulière à la célébration de la diversité culturelle et religieuse.» – Paul St-Pierre Plamondon
Chez Québec solidaire aussi, on s’étonne de ce «traitement différencié», pour de toutes autres raisons.
«Cette loi-là est, pour nous, discriminatoire. Mais aujourd’hui ce qui me frappe, c’est qu’une personne qui veut faire valoir ses droits, on lui demande d’aller enseigner du côté anglophone?», a lancé la co-porte-parole solidaire Manon Massé.
Le Conseil national des musulmans canadiens «choqué»
Pour le directeur des affaires québécoises au Conseil national des musulmans canadiens, Yusuf Faqiri, la décision rendue mardi rétrograde certains Québécois qui portent des symboles religieux au titre de «citoyens de seconde zone».
«Franchement, en 2021, il est choquant que nous soyons encore en train de parler de la constitutionnalité d’une loi qui interdit aux Juifs de porter la kippa et de devenir procureurs, c’est odieux», a-t-il déclaré en conférence de presse.
Le Conseil national des musulmans canadiens veut continuer la bataille «pour rétablir les principes de liberté et de justice» au sein de la société québécoise.
Le Mouvement Laïque Québécois «soulagé»
Le Mouvement Laïque Québécois (MLQ), un des groupes qui défendaient la loi 21 devant les tribunaux, s’est dit en partie «soulagé» du verdict du juge Marc-André Blanchard parce qu’il maintient la législation.
Cependant, l’organisation est déçue de constater que ce maintien se base uniquement sur la clause dérogatoire. «La question va être reporté dans quatre ans ou cinq ans lorsqu’il faudra renouveler la clause dérogatoire», a déploré l’avocat Luc Alarie.
-En collaboration avec Naomie Gelper