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La laïcité contestée par des organisations féministes

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Plusieurs groupes contestent la loi 21 devant les tribunaux. Photo: Josie Desmarais/Métro

Deux organisations féministes dénoncent l’inconstitutionnalité de la loi 21 sur la laïcité, affirmant qu’elle discriminerait les femmes portant des signes religieux, notamment les femmes musulmanes.

Adoptée en 2019, la loi sur la laïcité continue de susciter le débat au Québec. Cette dernière interdit le port de signes religieux à certains employés de l’État, notamment en éducation. Actuellement, la Cour d’appel du Québec entend plusieurs intervenants en rapport avec la contestation de la loi 21, dont deux organisations féministes: la Fédération des femmes du Québec (FFQ) et le Fonds d’action et d’éducation juridique pour les femmes (FAEJ-LEAF).

L’objectif des deux organisations est de faire reconnaître par la cour que la loi 21 sur la laïcité est inconstitutionnelle puisqu’elle porterait atteinte à l’article 28 de la Charte canadienne des droits et libertés. Selon ces organisations, la loi 21 irait à l’encontre du droit à l’égalité des genres, en ce qu’elle discriminerait beaucoup plus les femmes que les hommes, et plus spécifiquement les femmes musulmanes.

L’intersection des motifs de discrimination – le sexe et la religion – entraîne des conséquences pour les femmes musulmanes qui portent un hijab ou un niqab, conséquences qui n’ont pas, par définition, des impacts sur les hommes ou d’autres groupes distincts de femmes.

 Mélanie Ederer, présidente de la FFQ

Guillaume Rousseau, directeur des programmes de Droit et politique appliqués de l’État à l’Université de Sherbrooke, ainsi que procureur du Mouvement laïque québécois (MLQ), explique cependant à Métro que l’article 28 de la Charte canadienne des droits et libertés n’est pas un droit en tant que tel.

«L’article 28 n’est pas un droit à part entière, mais une clause d’interprétation. On ne peut donc pas dire que la loi 21 viole l’article 28, car une loi ne peut pas violer un outil d’interprétation des autres droits», affirme-t-il. Selon lui, l’approche de ces organisations est donc destinée à échouer.

Notion d’intersectionnalité

Pour comprendre la position de ces organisations sur la loi 21, il faut aborder la notion d’intersectionnalité. La discrimination peut être issue de plusieurs caractéristiques identitaires différentes telles que le genre, la race, la classe sociale, la religion, etc. Selon les caractéristiques identitaires d’un individu, ce dernier sera plus ou moins exposé à de la discrimination. L’intersectionnalité voit les groupes discriminés comme victimes d’un entrecroisement de plusieurs motifs de discrimination à la fois. Par exemple, il n’y aurait pas seulement des inégalités entre les hommes et les femmes, mais aussi des inégalités entre les femmes, en fonction de ces critères d’identité.

Dans le contexte de la loi sur la laïcité, la FFQ et la FAEJ veulent que les droits et libertés des citoyens québécois soient interprétés de manière intersectionnelle afin de montrer l’inconstitutionnalité de la loi 21.

Trois critères d’analyse seront présentés à la Cour d’appel afin de déterminer si l’article 28 a été enfreint:
– Vérifier si les droits et libertés entre les genres garantis par l’article 28 sont respectés;
– Montrer que la liberté d’expression, la liberté de religion et les droits à l’égalité des femmes sont atteints de manière disproportionnée;
– Appréhender l’article 28 de façon intersectionnelle.

À cet égard, M. Rousseau indique qu’au procès, des hommes se sont aussi plaints de la loi 21 et des répercussions qu’elle a sur leurs habitudes religieuses. «C’est clair qu’il y a des hommes qui sont aussi visés par cette loi-là, cela dépend du corps de métier. Les hommes comme les femmes sont concernés par la loi sur la laïcité», dit-il à Métro.

Rappelons que la disposition de dérogation à la Charte canadienne des droits et libertés avait été utilisée par le gouvernement Legault lors de l’adoption de la Loi sur la laïcité de l’État. Cette disposition permet d’éviter l’application de certains droits indiqués dans la Charte. Selon M. Rousseau, cette pratique est courante et parfois utilisée pour des lois favorisant les femmes.

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