Machine arrière toute. Après avoir provoqué de vives réactions depuis les révélations de Radio-Canada, le Conseil scolaire catholique (CSC) Providence annonce suspendre la destruction des livres accusés de propager des stéréotypes sur les peuples autochtones. Parmi les oeuvres visées, on comptait celles de Tintin et Astérix.
Recyclés, brûlés ou détruits, près de 5000 livres ont disparu des tablettes des classes, au grand dam de certains de leurs auteurs qui dénoncent un geste de censure. Environ 200 autres livres devaient encore être évalués. Nommée «Redonnons à Mère Terre», cette initiative a été organisée dans un but de réconciliation avec les Premières Nations. La nouvelle controversée a fait le tour du monde en 24 heures.
Ce matin, Radio-Canada avait révélé que la coprésidente de la Commission autochtone du Parti libéral du Canada, Suzy Kies, qui a notamment accompagné le conseil scolaire dans cette démarche, n’avait aucun ancêtre autochtone. Devant cette révélation, le Conseil scolaire a annoncé mettre «sur pause» l’ensemble de son projet «Redonnons à Mère Terre». Il a aussi déclaré entreprendre une nouvelle réflexion sur le processus de refonte.
«Nous sommes profondément troublés et inquiets. Le CSC Providence croyait fermement les affirmations de Suzy Kies lorsqu’elle se disait être autochtone de la Confédération des Wbanakis et du clan de la Tortue», écrit la porte-parole du conseil scolaire, Lyne Cossette.
Un deux poids, deux mesures dénoncé
L’enseignant et militant autochtone Xavier Watso estime que la réaction du monde entier face à l’initiative «Redonnons à Mère Terre» est disproportionnée. «Surtout que cela s’est passé il y a deux ans, dit-il. C’est vraiment une instrumentalisation de l’information pour se faire du capital politique.»
Selon M. Watso, la controverse est utilisée par les Allochtones pour «modérer le ton» des Autochtones. «On se fait toujours dire comment on devrait changer les choses. On est encore en train de se faire dire qu’on doit faire les choses à la façon des Blancs. C’est encore une forme de colonialisme», dénonce-t-il.
Le professeur abénaquis estime que c’est aux Autochtones, et aux Autochtones seulement, de décider de la bonne manière d’entamer une réconciliation.
De plus, Xavier Watso dénonce le deux poids, deux mesures dont sont souvent victimes les personnes autochtones. «Il n’y a pas d’eau potable dans certaines communautés. Est-ce que les gens déchirent leur chemise pour ça? Non, mais ils vont déchirer leur chemise par rapport au fait qu’on brûle des livres dans une optique d’auto-guérision», déplore-t-il.
Si le choix des 5000 livres brûlés peut avoir été «biaisé», étant donné la découverte des réelles origines de Suzy Kies, Xavier Watso pense que les œuvres «néfastes, malsaines, ou qui encouragent une forme de stigmatisation des jeunes autochtones» n’ont plus leur place et méritent d’être remplacées. «Les gens qui ont subi des préjudices décident enfin de reprendre le contrôle de la trame narrative de leur propre vie et ça heurte du monde parce que ça les confronte à des choses qu’eux aimaient», ajoute-t-il.