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L'école à Monsieur Émile

«L’école est un milieu de vie.» C’était la première phrase du code de l’étudiant de l’école secondaire Louis-Riel de Rosemont en 1977.

Cette école publique était unique en son genre. On l’appelait «l’école à Émile», parce que c’était Émile Robichaud qui en était le directeur. Lui aussi était unique en son genre. Car pour mener une école publique comme s’il s’agissait d’une école privée à l’âge d’or des polyvalentes, fallait être fait fort. Assez fort pour reconnaître, quelque 35 ans plus tard, qu’il avait tout à fait raison.

M. Robichaud était avant tout un marginal du système. Qui refusait de céder du terrain aux fonctionnaires de l’enseignement, souvent éloignés de la réalité scolaire, préférant de loin mener les choses à sa manière. Quand on arrivait le matin, il se tenait sur le bord de la porte. Droit comme une barre, plutôt silencieux, mais d’une présence… On entrait dans son école. Parce que pour fréquenter Louis-Riel, fallait adhérer à son projet et à sa vision de l’enseignement. En début d’année, l’étudiant et ses parents devaient signer une espèce de contrat avec la direction et s’engager à respecter le code de l’étudiant. À la moindre défaillance, on nous ressortait la copie signée de cette entente. Pour M. Émile, l’engagement de tous était obligatoire et non négociable. Point à la ligne.

Les résultats académiques des étudiants de Louis-Riel étaient-ils meilleurs? Sais pas… On suppose que oui. Là où je puis certifier qu’il y avait une différence nette avec ce qui se faisait ailleurs, c’était qu’il y avait à cette école la garantie d’avoir un encadrement solide, avec un plan directeur articulé et cohérent.

M. Robichaud, faut dire qu’il en avait vu bien d’autres. Il prenait les étudiants pour ce qu’ils étaient, c’est-à-dire des ados qui devaient se trouver une place dans le camp des exécutants et non pas du côté du commandement. Je me souviens encore de certaines de ses phrases qui faisaient suer, mais qui, avec un peu de recul, étaient si justes. Des énoncés sans équivoque, du genre : «Vous n’êtes pas encore assez vieux pour faire des choix, mais bien suffisamment pour respecter ceux qu’on fera pour vous.» Ou encore : «Si vous avez envie qu’on vous traite comme des adultes, il nous fera plaisir de le faire. En vous accordant les privilèges ET les conséquences qui viennent avec…»  Vous savez, le genre de formules qu’on comprend tellement mieux quand on est rendu grand…

Si le cadre qu’offrait Louis-Riel à l’époque était strict, ça ne veut pas dire qu’il était répressif. Rigoureux, oui. Étouffant, jamais. Oui, il fallait respecter un code vestimentaire qui excluait le port des jeans. On devait également vouvoyer tout le personnel, ainsi que se tenir droit sur sa chaise quand on allait à la bibliothèque. Est-ce que ça a déjà fait mourir quelqu’un, ça? Et oui encore, les parents étaient systématiquement mis au parfum de la moindre incartade ou contre-performance de leur enfant. C’était un engagement formel de la direction. Mais à l’opposé, non, on ne circulait pas dans les corridors au rythme d’une marche militaire. Et non, on ne donnait pas la strappe aux plus turbulents ni des taloches à ceux qui coulaient un examen.

Dans cette école de 1977, au milieu du triangle formé par la direction, les élèves et les parents, il y avait écrit le mot r-e-s-p-e-c-t. En 2011, je suis convaincu qu’il n’y a pas un parent que ne voudrait pas voir son enfant fréquenter cette école. M. Robichaud, décidément, vous aviez raison.

– Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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