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Près de 7 ans, 7 G$ et 100 soldats plus tard

Laura Eggertson, Métro Canada

Au moment où le Canada approche de la barre tragique des 100 soldats tués en Afghanistan, des voix dénoncent, partout au pays, les coûts, humains et économiques, d’une guerre qui rivalise, du moins en durée, avec la Seconde Guerre mondiale.

En octobre 2001, le Canada a joint les États-Unis dans leur guerre au terrorisme, en lançant l’opération Apollo, en réponse à l’attaque des tours jumelles de New York. Jus­qu’à ce jour, plus de 20 000 membres des forces armées canadiennes ont combattu dans le désert afghan, certains d’entre eux en étant à leur deuxième ou troisième présence en Afghanistan.

Le Canada a perdu 93 soldats ainsi que le diplomate Glyn Berry et les travailleuses humanitaires Jacqueline Kirk et Shirley Case. Près de 300 autres soldats ont été blessés sur le terrain tandis que d’autres ont été mutilés par l’explosion d’une bombe artisanale.

«Pour une armée aussi petite que l’armée canadienne… c’est beaucoup de personnes, constate Martin Shadwick, un analyste militaire de l’université York de Toronto. C’est un investissement considérable en ter­mes de vie et de membres, et en argent.» En comparaison, il y a eu approximativement 500 soldats américains tués en Afgha­nistan, sur quelque 36 000 mili­taires déployés.

Selon le Centre canadien de politiques alternatives, en date du 31 mars, le Canada aurait dépensé plus de 7 G$ dans cette guerre, en incluant le coût des salai­res, de la nour­riture et de l’équi­pement des trou­pes. Ce scénario est basé sur l’estimation des budgets réalisée par le ministère de la Défense.

Peter Mackay, le ministre de la Défense, a affirmé que le Canada protégeait ses intérêts en stabilisant l’Afghanistan puis­que, de cette façon, la sécurité internationale était renforcée. Dans un discours d’octobre 2007, le ministre établissait les buts du Canada : stabiliser le pays, organiser des forces afghanes qui obéiraient à l’autorité d’un gouvernement autonome et légitime, et créer les conditions pour qu’un tel gouvernement se développe. Il a ensuite assuré aux Canadiens que le Canada était tout près d’atteindre ses buts.

Pourtant, hors de la ville de Kandahar, là où les forces de l’OTAN sont basées, les for­ces afgha­nes, n’ont pas assez de soldats ou de policiers pour sécuriser ne serait-ce que le reste de la province de Kandahar, a rectifié le général Denis Thompson la semaine dernière. Or, le manque de sécurité est un obstacle au développement.

Les Canadiens divisés

Ceux qui s’opposent à la guerre se questionnent sur les prétendues réussites du Canada. «Tous ces arguments qui ont été avancés – restaurer la démocratie, défendre les droits des femmes, etc. -, eh bien, aucune de ces choses n’est réglée, s’indigne James Clark, de la coalition Stop the War de Toronto, un membre de l’Alliance canadienne pour la paix. Le gouvernement afghan est principalement composé de seigneurs de la guerre ou de la drogue, qui ont violé les droits humains plus d’une fois. Ils ont leur propre milice privée, qui opère avec les forces de l’OTAN tout en étant impliquée dans la production d’opium.»

Mais d’autres organisations, comme les Femmes canadiennes pour les femmes en Afghanistan, insistent sur le fait que les Canadiens font une différence. «Oui, ça vaut le coup», assure Janis Rapchuk, membre de l’organisation de Calgary. Elle appuie sa déclaration en parlant du nombre d’enfants qui vont à l’école, des femmes qui s’approprient leurs droits, qui apprennent à lire, à écrire et à utiliser les ordinateurs.

Vision mondiale Canada, qui travaille en Afghanistan depuis la défaite du gouvernement des Talibans en 2001, dit que l’intensification des batailles et la résurgence des Talibans ont rendu le travail, même dans la région la plus sécurisée, au nord-ouest du pays, beaucoup plus difficile. Mais la vie des Afghans s’est améliorée, sans toutefois atteindre le niveau qu’ils espéraient, mentionne Emmanuel Isch, vice-président des programmes internationaux de l’organisme.

Selon les sondages, les Canadiens continuent d’être divisés sur la présence du pays en Afghanistan, avec une mince majorité favorable au retrait des troupes, si les pertes de soldats continuent d’augmenter. L’inten­sité de ces positions dépendra en effet grandement des futures pertes que le Canada enregistrera, confirme Nik Nanos, président de Nanos Research d’Ottawa.

Tout le monde a raison

Le fils d’Adria Hill-Lehr a servi en Afghanistan de décembre 2006 à juin 2007. Bien qu’elle ait soutenu son fils et qu’elle continue de soutenir les troupes, elle croit que le Canada devrait se retirer. «Je ne suis pas la seule personne qui dit soutenir les troupes, mais ça ne veut pas dire que je soutiens le gouvernement», dit l’auteure du livre A Mother’s Road to Kandahar.

Finalement, les tenants, tout comme les opposants de la présence du Canada en Afghanistan, peuvent tous avoir raison à un moment ou à un autre, dit Shadwick. «Je crois que ce qui importe maintenant c’est de voir les choses globalement. C’est l’ensemble de ces différentes perspectives nous rapproche de la vérité», conclut-il.

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