QUÉBEC – Préoccupé par une saine gestion des fonds publics, le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, croit que le programme de procréation assistée, qu’il a déjà qualifié de «bar ouvert», manque de balises claires.
M. Barrette attend un rapport, commandé l’an dernier par le précédent gouvernement péquiste, qui lui permettra de déterminer comment l’accès pourrait être resserré.
Le nouveau ministre a expliqué jeudi qu’il recevra d’ici trois semaines ce document du commissaire à la santé et au bien-être (CSBE), Robert Salois, avec qui il s’est entretenu mercredi à ce sujet.
«Sur le fond, comme je l’ai dit précédemment, je pense que le programme doit avoir des balises qui soient claires, a-t-il dit. Le problème, c’est la clarté des balises et c’est ce sur quoi le commissaire va faire rapport.»
Le sujet a refait surface dans l’actualité cette semaine, alors que l’animateur de télévision Joël Legendre a soutenu que les règles avaient été changées afin de permettre aux couples gais de recourir au programme par l’intermédiaire d’une mère porteuse. M. Legendre et son conjoint deviendront en juillet pères de jumeaux nés d’une mère porteuse fécondée in vitro.
L’ancien ministre péquiste de la Santé, Réjean Hébert, a déclaré jeudi que la situation de M. Legendre est plutôt le résultat du manque de balises dans le programme, mis en place par les libéraux en 2010.
«Il n’y a eu aucune modification réglementaire pendant les 18 mois où on a été au pouvoir sur cette loi-là, j’attendais d’avoir l’avis du commissaire avant de faire une modification», a-t-il dit lors d’une entrevue téléphonique.
Selon l’ancien ministre, M. Legendre, un cas parmi cinq autres semblables, avait demandé au gouvernement si la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) pouvait rembourser les services de procréation assistée aux couples gais.
«Nous avons demandé à la Régie, qui nous a répondu que oui, dans le contexte réglementaire et légal actuel, c’est couvert, a-t-il dit. La loi sur la procréation médicalement assistée est très large, elle n’a aucune restriction.»
M. Hébert, défait le 7 avril dernier, a affirmé que les libéraux ont agi de manière irresponsable en laissant autant de latitude pour l’accès au programme.
«Il n’y avait pas de balises et c’était un véritable bar ouvert et je pense que ce n’est pas acceptable dans une société qu’on puisse permettre, et financer surtout, tout un spectre d’interventions», a-t-il dit.
Alors qu’il était président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), M. Barrette avait lui-même qualifié le programme de «bar ouvert», un terme qu’il n’a pas repris jeudi en commentant le dossier avant de se rendre à une réunion du caucus libéral.
«Je pense que la population s’attend à ce que les deniers publics, les impôts de la population, soient gérés avec rigueur et c’est une des missions qu’avait le commissaire à la santé et au bien-être, de faire le tour du sujet et de faire des propositions, a-t-il dit. S’il y avait des améliorations précises à apporter au programme, je vais être très à l’écoute des commentaires du commissaire.»
L’accès du programme aux couples de même sexe fera aussi partie des sujets abordés par le rapport du commissaire à la santé et au bien-être, a indiqué M. Barrette.
En mai, la FMSQ avait présenté un mémoire au CSBE dans lequel le regroupement proposait de limiter l’accès aux personnes souffrant d’un problème de fertilité «médicalement reconnu», ce qui exclurait la plupart des couples homosexuels, de même que les femmes seules ou celles qui excédent un certain âge.
Dans son document, la FMSQ estimait que le programme a coûté 109 millions $, durant la période qui a suivi son entrée en vigueur, le 5 août 2010, jusqu’au 10 janvier 2013.
Alors qu’il était ministre de la Santé, le premier ministre Philippe Couillard s’était opposé, en 2008, à la mise en place du programme, qu’il n’a cependant pas l’intention d’annuler maintenant qu’il est au pouvoir.
Deux ans plus tard, son successeur Yves Bolduc avait instauré le programme, qui a fait du Québec le seul endroit en Amérique du Nord où les services de fécondation in vitro sont remboursés par l’État.
En mai dernier, lorsque M. Hébert a confirmé la mandat au CSBE, M. Bolduc avait vanté les impacts positifs de ce programme.
«J’ai été très surpris qu’il remette en question même la gratuité du programme, avait-il dit. (…) C’est le meilleur programme au monde et on a baissé notre taux d’occupation des enfants prématurés dans les unités de néonatologie, ce qui nous a permis d’avoir des économies importantes au Québec.»
Quelques jours plus tard, en présentant son mémoire au CSBE, M. Barrette avait adopté un ton moqueur, sans faire référence directement à M. Bolduc, qui est maintenant ministre de l’Éducation.
«Il y a certains politiciens, lorsqu’ils parlent de ce programme-là, on a l’impression d’entendre Elvis Gratton: c’est le plus meilleur programme au monde!», avait-il raillé.