MONTRÉAL – Deux enquêteurs de la Commission Charbonneau ont commencé à exposer, jeudi, diverses irrégularités qui ont été constatées dans le processus d’octroi des contrats au Centre universitaire de santé McGill en 2009 et 2010.
Les enquêteurs André Noël et Éric Desaulniers ont rencontré une cinquantaine de personnes directement concernées par le dossier. Pas moins de 15 000 documents ont été transmis à la commission, représentant 40 000 000 de pages, a souligné M. Noël.
«Ce dossier pourrait représenter un des cas de corruption les plus importants dans l’histoire récente du Québec. On parle d’une fraude alléguée de 22,5 millions $. À ma connaissance, en termes d’ampleur de corruption, je n’en connais pas d’aussi important», a commenté M. Noël, qui a longtemps été journaliste d’enquête.
M. Noël a souligné qu’un des intérêts du dossier était de voir comment un trio d’hommes a réussi à orienter le processus d’octroi des contrats, malgré le fait qu’ils aient été entourés de plusieurs organismes publics pour surveiller le processus, comme le ministère de la Santé et des Services sociaux, l’Agence des partenariats public-privé (PPP) et la Ville de Montréal.
«Comment ça se fait que ces trois-là ont réussi à ce point, et de façon très habile _ de façon présumée, parce qu’ils ne sont toujours pas condamnés _ à manipuler ce processus-là pour arriver à leurs fins, c’est-à-dire à octroyer le contrat à SNC-Lavalin», a résumé M. Noël.
Plusieurs irrégularités ont été notées par les deux enquêteurs, qui pointent vers un penchant favorable dès le départ envers SNC-Lavalin et son consortium Groupe immobilier de santé McGill (GISM).
Entre autres, il y a eu des «contacts bilatéraux» entre le Centre universitaire de santé McGill et le consortium SNC-Lavalin-GISM, l’un des deux soumissionnaires. Pierre Duhaime, alors pdg de SNC-Lavalin en 2009, «organise une réception à sa résidence et il invite St. Clair Armitage, qui est le responsable des PPP au CUSM et le bras droit d’Arthur Porter (ex-directeur général du CUSM). Il l’invite chez lui pour célébrer sa nomination chez SNC-Lavalin», a relevé l’enquêteur Noël.
De plus, le consortium rival de SNC-Lavalin, à savoir PCUSM, a été disqualifié assez tôt dans le processus par Arthur Porter, du CUSM, parce qu’il a demandé de remplacer la firme chargée de l’entretien Axima par Dalkia au sein de son propre groupe. Or, M. Noël a noté que selon ses vérifications, un tel remplacement «se fait couramment, c’est régulier, quasi routinier» dans le monde des PPP.
Il ne restait plus qu’un seul soumissionnaire, ce qui a mécontenté le gouvernement du Québec, qui a exigé une lettre de désistement officiel du consortium écarté, afin d’éviter les poursuites. Le consortium s’y est refusé et a transmis une mise en demeure, estimant avoir été disqualifié pour un motif «frivole». Il a fini par réintégrer le processus.
De même, le comité de sélection a choisi d’entendre cinq sous-comités sur six ayant comparé les deux consortiums, alors que le sixième sous-comité, qui devait étudier la solidité financière, n’avait besoin que d’un peu plus de temps pour soumettre son rapport.
«Je ne peux qu’interpréter qu’on n’a pas complété le pointage parce que ce pointage risquait de favoriser PCUSM», le rival de SNC-Lavalin-GISM, en a conclu M. Noël.
De plus, des notes qui avaient été attribuées par des comités ont été modifiées en cours de route, a ajouté l’enquêteur.
De même, Yanaï Elbaz, qui était directeur général adjoint et responsable de la planification, du redéploiement et de l’immobilier, a donné des croquis du consortium rival à SNC-Lavalin, a signalé M. Noël.
Le témoignage de MM. Noël et Desaulniers se poursuivra vendredi.