MONTRÉAL – La présence de Marc-Yvan Côté chez Roche était particulièrement utile à cause de son amitié avec Bruno Lortie, l’ancien directeur de cabinet de la ministre des Affaires municipales Nathalie Normandeau, a indiqué jeudi un ancien vice-président de Roche, André Côté.
Devant la Commission Charbonneau, André Côté a souligné que cette relation privilégiée entre les deux hommes _ M. Lortie avait déjà travaillé avec Marc-Yvan Côté lorsqu’il était ministre libéral _ pouvait être utile à la firme Roche, non pas pour décrocher automatiquement des contrats, mais pour obtenir des rencontres avec le cabinet des Affaires municipales ou des analystes techniques du ministère.
André Côté, qui a été l’un des sept associés de la firme de génie, ignorait lui-même la teneur du contrat de consultant liant Marc-Yvan Côté à la firme à compter de 2005. Seul le président de Roche le savait. André Côté savait cependant que le contrat de Marc-Yvan Côté était renouvelé d’année en année, parce que le président jugeait qu’il apportait du rendement à la firme.
André Côté ignorait également le niveau de rémunération de Marc-Yvan Côté, un ancien ministre libéral des Transports, ainsi que de la Santé et des Services sociaux, réputé fort influent au sein du PLQ.
L’avocat de Roche, présent à la commission, a toutefois fait savoir que les contrats de Marc-Yvan Côté avaient été déposés devant celle-ci.
Marc-Yvan Côté a quitté après 2011 lorsque les enquêtes sur la collusion et le financement politique se sont multipliées _ ce que le procureur de la commission Simon Tremblay a baptisé «l’effet Marteau», du nom de l’escouade policière. «Ça a été un des éléments déclencheurs effectivement», a admis le témoin.
En 2005, Marc-Yvan Côté était passé du statut d’employé de Roche à celui de consultant. André Côté a admis qu’il y avait alors un lien avec la comparution de Marc-Yvan Côté à la commission présidée par John Gomery sur le scandale des commandites. «Je n’ai pas participé à cette décision-là (son changement de statut), mais on a souvent parlé de son passage à la Commission Gomery, qui ne faisait pas une belle image pour Roche, effectivement.»
Marc-Yvan Côté y avait admis avoir manipulé 120 000 $ d’argent comptant dans le cadre d’une élection fédérale, a rappelé Me Tremblay.
Financement pour tous
Par ailleurs, André Côté a indiqué avoir été sollicité par tous les partis politiques provinciaux, fédéraux et municipaux pour participer à des activités de financement politique.
Il a énuméré le Parti libéral du Québec, le Parti québécois, l’Action démocratique du Québec, le Parti libéral du Canda, le Parti conservateur et les partis municipaux _ lui était responsable de l’Est du Québec. «Tout ce beau monde-là cognent à la porte de façon régulière pour nous offrir soit un tournoi de golf, soit un cocktail, soit un souper bénéfice ou une quelconque autre activité du genre.»
Il a parfois emmené avec lui un maire à cette activité, et parfois aux frais de Roche.
De 2005 à 2010, une multitude de projets d’infrastructures ont été lancés au Québec «et ça a été comme exponentiel les demandes de la part des partis politiques; il y a eu de plus en plus d’organisations de cocktails», s’est rappelé M. Côté. Il y a participé à maintes reprises. C’était un «passage obligé» pour Roche.
Comme d’autres témoins avant lui, il a expliqué que ces contributions à des activités de financement politique n’accordaient pas automatiquement un contrat à Roche, mais augmentait la «réceptivité», l’«oreille» de l’interlocuteur pour un projet donné. Des rencontres pouvaient alors être obtenues pour «faire évoluer» le dossier plus rapidement.
Il avoue que les sept associés se sont souvent demandé pourquoi ils continuaient de participer à ces activités de financement politique, mais ils jugeaient ultimement que ça devait être utile. Et M. Côté avoue qu’il ne sait pas ce qui serait arrivé s’il avait cessé de contribuer.
Son témoignage se poursuivra vendredi.