À table

Des réductions de services potentiellement dangereuses dans les prisons

Les infirmiers et les gardiens de prison s’inquiètent des réductions des services de soins de santé dans les prisons fédérales.

Depuis le 1er avril, l’ordre a été donné dans de nombreux établissements carcéraux fédéraux à travers le Canada de revoir le nombre d’heures où les infirmiers sont présents. C’est le cas dans la majorité des 12 prisons fédérales au Québec, selon le Syndicat des agents correctionnels du Canada (SACC). Dans plusieurs prisons, cette présence d’infirmiers passera de 16h à 12h par jour. «Les infirmiers, qui étaient présents jusqu’à 23h, vont maintenant partir dès 19h», a rapporté Éric Thibault, président du SACC pour la région du Québec.

«C’est une réduction des services pour une clientèle très vulnérable et hypothéquée, a estimé un membre du personnel infirmier qui souhaite garder l’anonymat par peur de représailles. Ceci signifie une augmentation des risques de suicide et de gestes automutilatoires.» D’après le Bureau de l’enquêteur correctionnel, qui agit comme ombudsman pour les délinquants sous responsabilité fédérale, près des deux tiers des détenus canadiens font l’objet d’un suivi en santé mentale. Aussi, le nombre d’incidents d’automutilation dans les prisons fédérales a plus que triplé au cours des cinq dernières années.

Selon les syndicats des infirmiers et des gardiens de prison, plusieurs situations nécessitant l’intervention d’infirmiers pour assurer la santé des détenus et la sécurité de l’établissement ont lieu en soirée ou la nuit. L’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC), qui représente le personnel infirmier, estime que ces changements portent atteinte à l’éthique et à l’intégrité professionnelle de leurs membres. «Nous sommes profondément inquiets des conséquences sur la qualité des soins qu’ils seront en mesure de dispenser», a affirmé Debi Daviau, présidente de l’IPFPC.

Une des plus grandes inquiétudes concerne la distribution des médicaments aux détenus, ce qui est normalement la responsabilité des infirmiers. «Pour tout ce qui est Ritalin, méthadone ou pilules pour dormir, entre autres, on doit s’assurer que les détenus l’ont pris adéquatement, ce qui réduit notamment les risques de trafic», a indiqué le membre du personnel infirmier cité plus haut. Comme les distributions se font quatre fois par jour et que la dernière est après 19h, les infirmiers ne seront plus en mesure de toutes les effectuer.

C’est l’une des responsabilités qui seront reléguées en soirée et durant la nuit aux agents correctionnels et qui mettent ces derniers mals à l’aise. Ils jugent notamment qu’ils ne sont pas bien formés pour gérer des crises en santé mentale, évaluer les risques de suicide à l’arrivée en cellule d’isolement, calmer les détenus par rapport aux effets de leur médication, faire des premiers diagnostics pour déterminer notamment si l’appel d’une ambulance est nécessaire et différencier les vrais cas de simulation.

«Ça va se traduire par plus de sorties vers des centres hospitaliers, ce qui n’est jamais une bonne chose au point de vue sécuritaire», a fait savoir M. Thibault.

La SACC et l’IPFPC compte demander à Service correctionnel Canada que leurs quarts de travail actuels soient maintenus, ou reviennent à la normale dans les établissements où les changements ont déjà eu lieu. Une rencontre de l’IPFPC avec la partie patronale aura lieu le 12 juin, et les travailleurs espèrent en savoir plus sur les motivations de l’employeur. Service correctionnel du Canada affirme qu’il s’agit d’une réallocation des ressources ayant pour but d’assurer des services de santé équivalents dans l’ensemble des établissements au Canada. Les syndicats croient toutefois qu’il s’agit de mesures de compression pour faire des économies.

Service correctionnel du Canada, de son côté, assure que les besoins en matière de services de santé essentiels continueront d’être rencontrés.

 

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