Les pompiers et policiers gagnent bien leur vie et comptent parmi les employés qui ont les meilleurs régimes de retraite au Québec. Je comprends que cette situation privilégiée puisse avoir une incidence sur notre degré de sympathie à leur endroit – de même qu’une certaine manifestation qui ne nous les a pas montrés sous leur meilleur jour. Je comprends aussi l’iniquité intergénérationnelle qui sévit entre les employés de la fonction publique. Les jeunes n’auront pas droit aux mêmes promesses de retraite dorée que leurs aînés. C’est injuste.
Je m’explique moins bien les raisons dont on se sert pour justifier le retrait à ces employés des privilèges qu’on leur a promis en vertu de contrats de travail négociés il y a plus d’une vingtaine d’années. On ne fait pas de choix de carrière en fonction du régime de retraite qu’on nous promet, mais il n’est pas farfelu d’imaginer que certaines personnes ont choisi de devenir pompiers ou policiers au moins en partie parce qu’elles étaient convaincues de pouvoir arrêter de travailler à 55 ans. Elles se sont privées d’une partie de leur salaire dans ce but.
Il n’est pas non plus exagéré d’imaginer que ces personnes ont organisé leur vie, qu’elles ont planifié leurs finances – comme on nous enjoint de le faire en entrant des chiffres dans des grilles de planification – en fonction de ces promesses. Lorsqu’on signe un contrat, on est en droit de s’attendre à ce qu’il soit honoré.
On nous dit les temps changent, la situation économique du Québec n’est plus ce qu’elle était, nous ne pouvons honorer ces promesses, c’est la vie, faites avec. On fait même passer les employés municipaux pour des voleurs qui font brûler des déchets pour voler plus d’argent aux contribuables. En fait, ils sont fâchés parce que leur employeur n’a pas géré leur retraite comme il s’était engagé à le faire.
Je comprends que la plupart des contribuables n’ont pas, comme les employés municipaux, le privilège de jouir de conditions de travail et de retraite aussi intéressantes. À l’extérieur de la bulle syndicale fonctionnariale, nul n’est à l’abri d’un licenciement, d’une baisse de salaire. Mais les employés envers qui on s’apprête à ne pas honorer les promesses, eux, avaient fait le choix de cette stabilité.
Alors que la plupart des employeurs comprennent que ces régimes de retraite à prestation déterminée n’étaient pas l’idée du siècle et qu’il vaudrait mieux à l’avenir ne pas prendre de tels engagements à long terme sans savoir ce que l’avenir nous réserve, il est tout de même attendu que les engagements contractés par le passé soient honorés.
On peut avoir moins de sympathie pour la cause des employés municipaux parce qu’ils sont privilégiés, mais on ne peut pas simplement revenir sur notre parole en se disant qu’ils ne sont «pas à plaindre». On leur avait promis qu’on gérerait leur retraite comme des rois, on avait pris cette responsabilité sur nos épaules, ils sont en droit d’exiger que ces obligations soient acquittées.
Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.