À quelques semaines de l’élection du nouveau chef du Parti québécois (PQ), Métro a rencontré chacun des quatre candidats: Pierre Céré, Alexandre Cloutier, Martine Ouellet et Pierre Karl Péladeau. Jusqu’à vendredi, les entrevues seront publiées dans l’ordre alphabétique.
La candidate à la chefferie du Parti québécois (PQ), Martine Ouellet, souhaite que s a formation politique se concentre sur son but premier, qui est de réaliser la souveraineté du Québec. Fini les ambiguïtés. Si elle est élue à la tête du PQ et que celui-ci réussit à former le gouvernement en 2018, un référendum sera rapidement organisé.
Qu’est-ce qui est si pressant pour vous de réaliser l’indépendance?
Ça nous donne 7 ans. Je ne considère pas que ça soit très pressé. De rester à l’intérieur du Canada, ce n’est pas de l’immobilisme, c’est un recul. Les décisions d’Ottawa nous fait mal. Le registre sur les armes à feu. Contre le Québec. Le projet de pipeline Energie Est. Contre le Québec. Le péage sur le pont Champlain. Contre le Québec. Les accords post-Kyoto sur les changements climatiques auquel le gouvernement fédéral refuse de collaborer. Encore contre le Québec. Tranquillement, le Québec s’affaiblit. Pour moi, il est urgent qu’on devienne indépendant.
Parmi les candidats à la chefferie, on sent que c’est vous qui vous voulez réaliser la souveraineté du Québec le plus rapidement…
C’est moi que c’est le plus clair. L’appui à l’indépendance s’est maintenu à 40% depuis 10 ou 15 ans. Au-dessus de l’appui au PQ. Il y a une leçon à prendre de cela. Pour avancer, il faut se mobiliser. Et il faut rendre ce projet réel. Si c’est juste un jour, les gens n’embarquent pas dans une mobilisation pour 15 ans. Un autre candidat a dit «avant 2018, je le dirai». Quand il y a des cachettes comme cela, on ne peut pas embarquer la population. L’ambiguïté a divisé le mouvement indépendantiste.
Dans votre livre Mieux d’État, vous faites la promotion de l’État interventionniste. En avons nous encore les moyens au Québec?
Le fait qu’on ait privatisé les appels d’offres au MTQ, ça nous coûte cher. Ça fait en sorte que les projets nous coûtent 30% trop cher parce que ça a viré en collusion et corruption. Donc, l’État a un rôle. Il faut arrêter de saccager l’État. Il faut arrêter de dire que l’État est inefficace. Il est inefficace parce qu’on l’a rendu inefficace. Privatiser des services nous coûte plus cher que si c’était l’État qui les offrait. C’est à l’État de s’assurer que l’argent de l’État soit bien dépensé. Il faut s’assurer d’avoir les meilleurs coûts, mais ça nous prend une expertise forte et béton. Si on devient dépendant de l’entreprise privée, elles ont du profit à faire.
Dans la course à la chefferie, vous êtes la candidate la plus verte. Quelle est votre vision du Québec?
C’est le développement économique intelligent. Quand on prend nos décisions, il faut que ça soit payant pour l’ensemble de la collectivité, et non pas juste pour des intérêts privés ou des intérêts particuliers. L’électrification des transports, c’est du développement économique intelligent. On utilise l’électricité verte pour diminuer notre consommation de pétrole. On utilise toute l’expertise que l’on a dans les composantes électriques, on fabrique ici un des meilleurs moteurs électrique au monde. Ça crée des emplois intéressants. Énergie Est, c’est pas du développement économique intelligent. On n’en veut pas. Les gaz de schiste, ce n’est pas du développement économique intelligent. On n’en veut pas. L’environnement doit tout le temps faire partie de l’équation du développement économique. Le Québec doit s’engager au niveau international dans la diminution des gaz à effet de serre. Je propose d’appuyer l’Europe avec une baisse de 40% dans un horizon 2030. On est capable de réaliser, mais ça va prendre des moyens robustes. On ne peut pas garder le statut quo.
Que pensez-vous du gouvernement de Philippe Couillard.
Je ne pensais pas que ça pouvait être pire que le gouvernement Charest. Et ça l’est. C’est un gouvernement dogmatique et idéologique. C’est du saccage à la grandeur pour rapetisser l’État. M. Couillard l’a dit lui même : il veut que le Québec soit une province comme les autres. Et notre modèle québécois qui fait notre force et qui a réduit nos inégalités nous distincte des autres provinces. S’il veut qu’on soit une province comme les autres, il faut saccager notre modèle québécois. Et ça c’est inacceptable.
Le conflit étudiant, si vous étiez au courant, comment vous l’auriez géré?
Il faut reconnaître le droit de grève. Il a toujours été reconnu implicitement depuis 1957, mais le PLQ a renié cette reconnaissance là en 2012. Donc, c’est une rupture par rapport à tout ce qui s’est fait. Comme ils ont insisté à faire des injonctions autant de la part des institutions que des individus, il y a de la jurisprudence qui s’est créée. C’est devenu intenable parce qu’il y a des associations étudiantes qui veulent faire reconnaître leurs droits de grève et il y a des institutions qui disent aux professeurs de quand même donner leurs cours. Et il y a des injonctions. Alors, les deux groupes sont en confrontation. J’ajouterai un vote au scrutin secret pour rendre cela plus uniforme. Pour qu’on ne se pose pas de questions. Pour que ça ne soit pas contestable.
Montréal a présentement une oreille attentive à Québec. Jusqu’à quel point vous êtes prêt à valoriser la métropole et lui accorder des nouveaux pouvoirs.
Il faudrait voir le détail de ces nouveaux pouvoirs. Montréal est une métropole et il faut lui donner les forces d’une métropole. Tant qu’on sera une province et qu’Ottawa prendra des décisions pour nous, ça va faire mal à Montréal. Très clairement, le gouvernement fédéral donne les moyens financiers à Toronto pour que Toronto supplante Montréal.
Dans la course à la chefferie, le fait d’être la seule femme, est-ce que ça vous a désavantagée?
Je pense que ça m’a aidé parce qu’on a besoin des femmes en politique. C’est sûr que les commentaires des analystes ne sont pas toujours les mêmes. On dit d’une femme qu’elle est studieuse alors qu’on n’a jamais entendu cela d’un homme. Une femme qui monte le ton est hystérique ou agressive alors qu’un homme est décidé. Je pense qu’il y a beaucoup de travail à faire.
Que répondez-vous aux sondages qui vous placent loin de la victoire?
Il faut être très prudent avec les sondages. Les sondages sont très volatiles. Si les sondages avaient été bons, on serait encore au pouvoir aujourd’hui. L’échantillon de ceux qui sont fait en ce moment est tellement petit et c’est même pas avec les membres du PQ. Je trouve que c’est étirer l’élastique plus qu’au maximum que de prédire ce qui va se passer au PQ en se basant sur ces sondages. Statistiquement, ces sondages sont même pas valables alors je suis surprise qu’ils soient publiés.
Est-ce que vous vous attendez à un deuxième tour?
Oui. Notre pointage nous indique clairement qu’il y a beaucoup d’indécis et qu’il y aura un deuxième tour. Tout est possible.
Êtes-vous prête à vous rallier à un autre candidat?
Je suis au Parti québécois depuis 28 ans. Pour l’instant, je suis suffisamment bien positionnée pour que ce soit des gens qui vont se rallier à moi.
Pauline Marois a manifesté à plusieurs reprises son intérêt à la chefferie du PQ. Allez-vous être aussi patiente qu’elle si vous perdez cette course à la chefferie?
Je ne le sais. Je suis revenue à la politique à la demande de Pauline Marois parce que je pense que j’ai une contribution à apporter au bien commun. Ça bouge tellement vite que c’est difficile de prédire dans un an, dans cinq ans ou dans dix ans ce qui adviendra au Québec. Ça fait 28 ans que je suis au PQ. Je vais continuer à faire avancer des idées au PQ. Mais je ferais une excellente cheffe pour PQ…
Restez-vous à l’Assemblée nationale si vous ne devenez pas chef du PQ?
Oui. Tout à fait. Je suis élue pour quatre ans.
En rafales
- Pour ou contre les policiers à l’UQAM? La présence des policiers découle du fait que le droit de grève n’est pas respecté. Alors pour la reconnaissance au droit de grève.
- Pour ou contre le Plan Nord? Pour le développement nordique, mais pas comment il est prévu dans le Plan Nord.
- Pour ou contre la modulation des tarifs des services de gardes? Contre.
- Pour ou contre l’imposition de quotas de patients aux médecins? Contre. Ce n’est pas la bonne approche. Je propose des cliniques d’infirmières dans des CLSC ouvert 24 heures sur 24.
Un mot pour décrire vos adversaires:
- Pierre Céré: à l’écoute du monde réel
- Alexandre Cloutier: jeune
- Bernard Drainville: populaire
- Pierre Karl Péladeau: ambiguë
CV
Nom: Martine Ouellet
Âge: 45 ans
Métier: ingénieur
Études: baccalauréat en génie mécanique à l’Université McGill et MBA des HEC de l’Université de Montréal
Mentor: Jacques Parizeau