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Québec interdira les fouilles à nu à l'école

Jocelyne Richer - La Presse Canadienne

QUÉBEC – Les jeunes n’ont plus à craindre de faire l’objet d’une fouille à nu décrétée par la direction de leur école.

Cette pratique sera bientôt formellement interdite par le ministre de l’Éducation, François Blais, qui s’apprête à réviser le cadre de référence destiné aux écoles.

Il en a fait l’annonce mercredi, en rendant public le rapport commandé par le gouvernement sur le sujet. Le ministre a donc choisi d’aller encore plus loin que ce propose l’experte qui s’est penchée sur la question au cours des derniers mois.

«Nous interdirons explicitement les fouilles à nu par des intervenants scolaires», a soutenu le ministre Blais, en point de presse.

Dans son rapport, l’avocate à la retraite Fabienne Bouchard conclut de son enquête que le ministère de l’Éducation doit revoir son protocole relatif aux fouilles d’élèves, en précisant les rôles et pouvoirs dévolus aux directions d’écoles et aux policiers.

Le ministre Blais a convenu que le cadre de référence actuel manquait de clarté sur le partage des rôles des divers intervenants.

Selon l’experte mandatée par Québec, la direction d’une école ayant des motifs sérieux de croire qu’un élève s’adonne au trafic de drogue devrait appeler la police, au lieu de procéder à une fouille à nu.

Chose certaine, le pouvoir de fouilles détenu par les écoles devrait être mieux encadré, fait valoir Mme Bouchard, dans son rapport d’une vingtaine de pages. Elle lui demande d’agir rapidement dans ce dossier pour chasser toute ambiguïté.

Elle ajoute que la fouille à nu décrétée par une direction d’école devrait être un geste exceptionnel, rendu essentiel uniquement par «l’urgence d’agir ou le danger imminent». «L’école ne doit pas se mettre à faire le travail de la police», écrit-elle.

Mais le ministre a jugé que même ce scénario d’exception était de trop, la fouille à nu étant à ses yeux «une pratique assez extrême» et «humiliante» pour l’élève. De plus, cette pratique n’est ni nécessaire, ni efficace, selon le ministre, qui met en doute son effet dissuasif.

Il présentera donc dans les prochains mois un nouveau protocole d’intervention précisant la marche à suivre si une direction d’école a des raisons de croire qu’un élève a commis un délit, de trafic de drogue ou autre.

Il n’est pas question pour autant, a dit le ministre, «d’obliger les policiers à avoir cette pratique-là (des fouilles à nu)», en vue d’identifier les trafiquants de drogue à l’école. «C’est à eux de juger, pas au ministre de l’Éducation», a-t-il fait valoir.

Le rapport d’enquête de Mme Bouchard fait suite à la controverse soulevée par la fouille à nu imposée à une jeune fille de 15 ans à la polyvalente de Neufchâtel, de Québec, le 12 février dernier. L’adolescente était soupçonnée de se livrer au trafic de stupéfiants dans l’école.

L’expression «fouille à nu» peut prêter à confusion. La direction de l’école avait en fait ordonné à la jeune fille de se placer derrière un rideau et d’enlever tous ses vêtements, pour vérifier s’ils contenaient de la drogue. Il n’y a donc eu aucun contact physique, ni contact visuel. Ce sont ses vêtements qui ont été fouillés et non l’élève.

Dans la tourmente, l’ex-ministre de l’Éducation, Yves Bolduc, qui a démissionné dans la foulée de cette histoire, a confié à Mme Bouchard le mandat d’enquêter sur l’incident, de documenter le phénomène des fouilles à nu à l’école au Québec, et de proposer des recommandations.

La Cour suprême du Canada s’était prononcée en 1998 sur la question, en décrétant que les élèves ne pouvaient s’attendre, lorsqu’ils sont à l’école, à une protection complète de leur vie privée. Le plus haut tribunal du pays avait stipulé alors que le fait de fouiller un élève était une pratique acceptable, en autant qu’elle ne soit pas «abusive».

Le cadre de référence en vigueur actuellement prévoit que les enseignants et les directions d’école doivent maintenir l’ordre et la discipline dans l’établissement, ce qui peut vouloir dire d’«exiger la fouille d’élèves et de leurs effets personnels».

La présidente de la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement (FQDE), Lorraine Normand-Charbonneau s’est montrée «fort déçue» de la position du ministre Blais.

Elle estime que le problème du trafic de drogue à l’école demeure entier.

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