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Chia-Yi Tung: «Une question de langage, pas de langue»

Avec son entreprise Orchimédia, Chia-Yi Tung a permis au Cirque du Soleil de percer en Chine. Avec l’arrivée du vol direct entre Montréal et Beijing, le 29 septembre, la Taïwanaise installée à Montréal depuis 17 ans croit qu’il est temps pour le Québec de passer en deuxième vitesse afin d’attaquer cet immense marché.

Est-ce que le Québec est assez ouvert sur le monde?
Je pense que les échanges entre les cultures ne sont pas assez nombreux, mais je ne crois pas que les Québécois manquent d’ouverture. Un de nos problèmes, c’est que nous ne sommes pas assez connus à l’international. Pourtant, nous avons tous les outils pour séduire.

Comment s’y prendre pour faire connaître Montréal? Quelle est l’image de marque de la ville?
Nous travaillons en ce moment avec Tourisme Mont­réal en vue de l’inauguration du vol direct entre Montréal et Beijing, prévue le 29 septembre. Ce que j’aime, c’est qu’on mise sur les gens. Une foule de touristes chinois va débarquer chez nous et voir le potentiel de Montréal. Et dès qu’un Chinois arrivera, il faudra un sourire. Pour qu’il sente que Montréal est accueillante. Ce n’est pas tant une question de langue, mais une question de langage.

Vous aidez des entreprises québécoises à faire des affaires en Chine. Comment y vendez-vous Montréal et le Québec?
Je parle aussi d’une mixité. Montréal, aujourd’hui, c’est un mélange de talents. Je parle d’une personnalité forte et créative. Et absolument unique.

Si le Québec est unique, la Chine peut-elle s’en passer?
La Chine fait des affaires avec toute la planète. Mais le Québec a tout à gagner à mener une opération de séduction en Chine. Montréal a beaucoup à offrir, mais si les Chinois ne le savent pas, c’est peine perdue. Ils sont courtisés par tous les pays du monde. C’est comme le speed dating. Si le Québec veut avoir une chance de séduire, il doit être présent à la table.

«Les entreprises québécoises pionnières sont déjà en Chine, mais il faut aller plus loin. Ce marché est trop important pour qu’on passe à côté.» – Chia-Yi Tung

Sommes-nous bien conscients de l’importance du marché chinois?
De plus en plus, mais pas assez. Depuis trop longtemps, Montréal ignore la Chine, et là, ça commence à peser. Une spécialiste qui est dans ce marché depuis 30 ans m’a récemment dit qu’elle ne comprenait pas pourquoi, ici, il y avait autant de résistance face au marché chinois.

Pourquoi à votre avis? Parce qu’il demeure des préjugés tenaces sur la Chine?
Je pense qu’il y a ça, mais il y a aussi une question de distance. Loin des yeux, loin du cœur, dit-on. Si un entrepreneur fait un premier voyage en Chine, il sera impressionné. Mais il reviendra et sera inondé par son quotidien. Et il dira que la Chine, c’est loin, qu’il ne comprend pas le mandarin, que le jeu n’en vaut pas la chandelle. Souvent, on va dire qu’on ne se comprend pas. Pourtant, ce n’est pas une question de langue, mais de barrière culturelle. Pour percer le marché chinois, il faut se permettre de voir autrement.

Est-ce que Vancouver et Toronto, qui baignent davantage dans la culture chinoise, tirent mieux leur épingle du jeu?
Tout à fait. Toronto attire beaucoup d’investisseurs chinois. Pourtant, à mon avis, Montréal a beaucoup plus à offrir! Il faut aussi réaliser que le marché chinois n’est pas qu’en Chine. Les Chinois – immigrants, résidants ou touristes – sont partout. Le mandarin est la troisième langue au Canada et aux États-Unis. Les Chinois sont très présents aux USA. Et on ne parle pas ici de réfugiés qui ne portent aucune attention à l’éducation, mais bien de consommateurs très diplômés, ayant les reins solides sur le plan financier. C’est un marché hyper intéressant, mais qu’on ne peut pas courtiser de la même façon que le marché local.

L’a-t-on compris?
Pas du tout. Si une entreprise ontarienne essaie de courtiser le Québec et qu’elle croit qu’il suffit de tout traduire en français, va-t-elle réussir? Non. C’est pourtant l’erreur qu’on fait avec le marché chinois, qu’il soit ici ou en Chine.

Qui peut percer le marché chinois?
Aujourd’hui, avec les technologies de l’information, je crois que toute entreprise, peu importe sa taille, peut y arriver. Cependant, il ne faut pas faire les choses à moitié et il faut y mettre le prix. Par ailleurs, la Chine compte aujourd’hui un million de millionnaires et a une classe moyenne de 300 millions de personnes – 600 millions d’ici six ans! Les Chinois ne consomment donc pas que de grandes marques, mais aussi de la culture, du contenu, des idées…

Que pensez-vous du Quartier chinois de Montréal?
On le revitalise, c’est bien, mais il faut investir davantage. Les touristes chinois, quand ils voyagent, aiment visiter les quartiers chinois. Plus il est attrayant, plus nous pouvons les «satisfaire». Le Quartier chinois est aussi important pour permettre aux Montréalais de constater la richesse de la culture chinoise. Cela dit, j’en veux aux immigrants qui ne font aucun effort pour s’intégrer. Si t’installes ici, c’est important de faire des efforts. Oui, tu peux conserver tes traditions et tes valeurs, mais ça ne veut pas dire que tu es obligé de t’enfermer dans un quartier et ne jamais apprendre le français.

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