L’indignation aura duré un peu plus de 48 heures avant que ne ressurgissent les vieux réflexes, ceux de minimiser les torts des agresseurs, de relativiser les souffrances des victimes. Des réflexes qui, dans le cas des événements qui se sont produits à Val-d’Or, et qui se produisent ailleurs depuis des décennies, sont empreints à la fois de colonialisme et de culture du viol. Surtout, ce sont les mêmes vieux préjugés que l’on ressasse.
Pour résumer la pensée du chroniqueur de l’empire Québecor Michel Hébert: les autochtones sont responsables de leur propre malheur, les femmes autochtones sont d’abord maltraitées par les leurs, et on aura beau leur cracher des milliards de dollars, en plus de n’être pas contents, ils nous accuseront de paternalisme. Un bon truc pour ne pas se faire traiter de paternaliste, c’est de reconnaître ses torts sans chercher à les minimiser, et de ne pas se placer au-dessus des autochtones en leur proposant des solutions qui conviennent d’abord à nous. Idéalement, avec une pensée un peu moins rétrograde et manichéenne, on y arrive sans trop de peine.
Pour résumer la pensée d’un policier suspendu: les femmes autochtones qui ont témoigné contre des policiers de la SQ n’ont aucune crédibilité et il faut bien comprendre qu’il est difficile d’intervenir auprès de cette population souvent intoxiquée qui vous crache parfois au visage. Un autre agent du poste 144 aurait déclaré anonymement sur Facebook que les policiers qui interviennent auprès des autochtones à Val-d’Or se servent de gants et se désinfectent avec du Purell pour éviter la contamination à des ITS et qu’il s’agirait d’une preuve qu’il n’y aurait pas de relations sexuelles entre des autochtones et des policiers.
Solidaires entre eux, les policiers confirment nos craintes (et le bien-fondé d’une commission d’enquête indépendante) en protestant contre la suspension temporaire d’agents faisant l’objet d’allégations. Suspendre des agents en attendant que la lumière soit faite sur une situation par un autre corps policier ne contrevient pas à la présomption d’innocence: c’est la chose minimale à faire pour que la confiance entre la population et les forces de l’ordre soit maintenue. Une confiance légitimement ébranlée par des témoignages suffisamment inquiétants. On va jusqu’à demander des excuses à la ministre Thériault pour avoir fait la moindre des choses en de pareilles circonstances.
Sur Twitter, un internaute m’a interpelée en affirmant que «les autochtones ne peuvent pas avoir le beurre et l’argent du beurre». J’ai eu du mal à comprendre le sens de son intervention: parce que certains d’entre eux ne paient pas d’impôts, les autochtones ne mériteraient pas que leur intégrité physique soit préservée? Voilà un commentaire qui m’apparaît tout le contraire de constructif.
La situation des autochtones est complexe, les problèmes de toxicomanie et de pauvreté qui touchent ces communautés sont bien réels, mais il n’y a absolument rien de constructif à tenter de trouver à qui la faute. Surtout si c’est pour en venir à la conclusion que les victimes sont responsables de leurs malheurs, comme nous invitent à le faire nos vieux réflexes. Le fait que des femmes autochtones subissent de la violence à l’intérieur même de leurs communautés n’empêche pas que cette violence soit le fruit de siècles de colonialisme. Un colonialisme dont les agissements reprochés à la SQ ne serait qu’une manifestation parmi d’autres.
Certains proposent l’éducation comme antidote à cet enjeu systémique: éduquons les autochtones, pense-t-on encore, par réflexe colonialiste. Si l’éducation fait partie des recommandations du rapport de la commission Vérité et réconciliation, celles-ci concernent aussi l’établissement d’un «programme portant sur les pensionnats, les traités de même que les contributions passées et contemporaines des peuples autochtones à l’histoire du Canada» pour tous les élèves canadiens.
Au moins, il y a un réflexe à l’égard des enjeux autochtones qu’on peut se féliciter de n’avoir pas eu, cette fois-ci: celui de l’indifférence.