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Akos Verboczy: montrer l’immigration de l’intérieur

Akos Verboczy est parti de sa Hongrie natale, en Europe de l’Est, à l’âge de 11 ans, avec sa mère et sa sœur. Il a atterri à Montréal en 1986, dans le très multiethnique quartier de Côtes-des-Neiges, «à une époque où la contestation de la Loi 101 battait son plein».

Il se définit aujourd’hui, à la manière de notre Elvis Gratton national, comme un «Hongro-Québécois, judéo-chrétien, d’expression française, Est-Européen d’Amérique du Nord». Dans un récit humoristique qui traite du très complexe sujet de l’immigration, Akos Verboczy, en expliquant d’où il vient, se demande finalement où nous allons.

Pourquoi avoir écrit ce livre?
Ça fait longtemps que je travaille pour l’intégration des immigrants. Dernièrement, j’ai été conseiller politique auprès de la ministre de l’Immigration du Québec [NDLR: l’ancienne ministre péquiste Diane De Courcy]. Après la question de la charte des valeurs, avec les questions identitaires devenant de plus en plus présentes dans l’espace public, j’avais le goût de parler d’immigration.

Mais j’ai voulu en parler d’une autre façon parce que le débat était devenu dichotomique. Il n’y avait plus d’espace pour la nuance, la discussion. J’ai voulu expliquer comment, moi, j’ai vécu l’intégration, ce que j’ai observé toutes ces années en tant qu’immigrant, mais aussi comme observateur de la vie politique québécoise. Je me suis dit que, peut-être, je pourrais m’expliquer à moi-même comment j’en suis venu à me sentir Québécois et, du même coup, l’expliquer aux autres. Je voulais raconter mon itinéraire.

Êtes-vous arrivé à expliquer comment vous «êtes devenu Québécois» finalement?
Je n’ai toujours pas de réponse. Je ne sais pas ce qui explique pourquoi, aujourd’hui, je me sens Québécois, mais je sème des indices tout au long du livre. Je veux aussi montrer que l’intégration des immigrants n’est pas une chose facile. Il n’y a pas de recette. Même moi, qui suis très intégré, j’ai du hongrois en moi qui ne partira jamais. Ça déteint sur ma personnalité, sur ma façon de voir les choses. L’immigrant va toujours rester un immigrant.

Il y a aussi la question de la société d’accueil: qu’est-ce qu’on fait avec ces immigrants qui arrivent en très grand nombre? Je pense que, de façon générale, les gens veulent qu’ils s’intègrent, mais il faudrait définir ce qu’on veut dire par intégration. On ne peut pas laisser aller non plus parce que je crois que le Québec est dans un contexte particulier, il doit protéger sa langue et il doit être fier de transmettre ce qu’il a, c’est-à-dire sa langue et sa culture.

«La question de l’immigration est complexe et c’est pour ça que j’ai décidé d’écrire ça sur un ton humoristique, en montrant la bête de l’intérieur. On ne peut pas en discuter en terme de noir et blanc. Il n’y a pas juste les inclusifs d’un bord et les racistes de l’autre.» –Akos Verboczy

La question de la langue semble être au cœur de votre réflexion…
Avec la Loi 101, le Québec a décidé que tous les immigrants allaient faire leur primaire et leur secondaire en français. C’était clair et ça a fait en sorte que toute une génération d’enfants immigrants a été francisée. Avant la Loi 101, avant qu’on ne clarifie ça, 80% des immigrants allaient à l’école en anglais, et beaucoup n’ont jamais appris le français. Je veux montrer aux Québécois que leur culture et leur langue en valent la peine. Je connais plein d’immigrants qui, comme moi, se sentent Québécois et vivent en français. À un moment donné, ça prend une culture commune pour pouvoir s’entendre.

L’arrivée massive des réfugiés syriens a remis les questions d’immigration au coeur des discussions. Comment s’en sort-on au Québec quand il est question d’accueil, d’intégration, etc?
On est débordé! Dans les services communautaires, dans les écoles, dans les services publics, les gens sont débordés. Il y a eu une augmentation spectaculaire de l’immigration depuis 2002, quand les libéraux ont fait passer le nombre d’immigrants d’environ 30 000 immigrants par année à 55 000. Ça commence à paraître à un moment donné. On ne peut pas offrir la providence sans État Providence. Si des réfugiés syriens arrivent, je voudrais qu’ils puissent envoyer leurs enfants dans les CPE, qu’ils aient accès à des services de santé, qu’il y ait de la place dans les écoles, qu’ils aient du travail. Si on coupe dans tout, il y aura des déceptions des deux côtés.

Rhapsodie québécoise – Itinéraire d’un enfant de la loi 101
Édition Boréal

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