Dans une mise en abyme présentée sur les planches du Théâtre de Quat’Sous, des comédiens répètent, soir après soir depuis six ans, une ridicule fable animalière qui les déshumanise.
Le Royaume des animaux, adaptation québécoise d’un texte de l’Allemand Roland Schimmelpfennig, transmet efficacement la violence de l’ennui, de la solitude, de la rivalité et du désespoir face à l’avenir. Les costumes évoquent la déchéance, le décor est froid et abstrait, la musique est agressante, le rythme est lent.
Les personnages s’accro-chent à la comédie musicale à laquelle ils participent malgré la souffrance qu’elle leur cause, malgré l’absence de reconnaissance professionnelle, malgré l’absence de solidarité entre eux. Même lorsque le rideau tombe, ils ne font plus qu’un, ou presque, avec leurs homologues animaliers. Cette complexité est brillamment interprétée par les comédiens québécois, qui nous apparaissent réellement comme étant mi-bêtes, mi-humains.
La pièce livre également une critique du monde du théâtre, en particulier avec l’arrivée, en deuxième partie, d’un auteur hystérique – instigateur de la comédie musicale Le Jardin des choses, dans laquelle s’affrontent un œuf, une toast, une poivrière et une bouteille de ketchup – interprété par le convaincant Éric Bernier.
Le Royaume des animaux est donc une création singulière d’une grande qualité artistique. Mais on ne peut pas dire qu’il soit agréable d’y assister. Elle nous a fait vivre peu d’émotions. On a peiné à éprouver une véritable empathie pour les personnages. Peut-être parce qu’on refuse de voir le monde comme une jungle sans Baloo ni Bagheera.
Le royaume des animaux est présentée au Théâtre de Quat’sous jusqu’au 1er octobre.