Un repas entre amis tourne au vinaigre dans Beatriz at Dinner, le récent film de Miguel Arteta, qui mélange humour noir et mélancolie existentielle.
Après une série de cocasses productions confortables, dont Cedar Rapids, Youth in Revolt et Alexander and the Terrible, Horrible, No Good, Very Bad Day, le réalisateur Miguel Arteta retourne au cinéma indépendant en renouant avec la plume de son ami Mike White. Ensemble, ils avaient notamment pondu la création culte Chuck & Buck.
Ce nouveau long métrage s’en rapproche par son ton décapant et cette façon distinctive de combiner rire et drame psychologique. Tels les protagonistes du mythique L’ange exterminateur de Luis Bunuel, notre héroïne (Salma Hayek, dans son meilleur rôle depuis Frida), une intègre immigrante mexicaine, est incapable de s’extirper d’un souper, prenant en grippe un magnat raciste (John Lithgow, en sorte de cousin éloigné de Donald Trump).
«Le film a été écrit juste avant l’élection américaine et je trouvais que c’était le contexte idéal pour parler de toutes ces idées qui polarisent l’opinion», explique l’affable metteur en scène lors d’une entrevue téléphonique.
«Le film est un plaidoyer pour la compassion. Au cours des 40 ou 50 dernières années, le capitalisme et la consommation ont dominé en rois. L’avidité est hors de contrôle. On a créé un monde où il n’y a plus de place pour l’empathie et la compassion.» – Miguel Arteta, réalisateur
Satire des mœurs et des classes sociales, Beatriz at Diner propose un traitement aux contrastes pleinement assumés. Et montre un groupe, réuni autour de la table de souper, qui fait mine de relativiser des situations horribles.
«Je suis déjà allé dans ce genre de soirée et il y avait des moments encore plus offensants, qui sont difficiles à croire, se rappelle le cinéaste. Je voulais que tout soit crédible. Le film est drôle, intense et tendu. En même temps, il y a cette musique rêveuse qui apporte presque un élément magique. Elle représente l’aspiration du personnage joué par Salma, cette mélancolie vers ce qui guide sa vie et qui est le désir d’un monde moins hypocrite et plus d’humain.»
Se sentir à part
Le héros marginal caractérise l’œuvre de Miguel Arteta (The Good Girl, Stars Maps) et Beatriz at Dinner ne fait pas exception.
«C’est quelque chose que je connais personnellement, confie le cinéaste. Je suis né à Porto Rico d’un père péruvien et d’une mère espagnole et les autres enfants pensaient que j’étais d’ailleurs parce que j’avais un accent péruvien. Je n’ai jamais senti, nulle part, de sentiment d’appartenance. Je suis toujours l’autre depuis que je suis né et cela n’a pas changé en déménageant aux États-Unis… Mais c’est un sentiment dont tout le monde peut être familier. Que l’on fasse partie de la minorité ou pas, que l’on soit immigrant ou pas, on se sent un jour ou l’autre aliéné des gens et de la société pour différentes raisons.»
En salle présentemnt