Hélas, ce n’est qu’un spectacle d’humour. Heureusement, c’est celui de Philippe-Audrey Larrue-St-Jacques.
Philippe-Audrey n’est pas de ceux qui se pointent les mains vides.
Ce jour-là, dans les siennes de mains, il y a un tas de bouquins. Dont:
1- L’histoire de la sexualité de Michel Foucault. Le troisième tome. «Le meilleur.»
2- L’étranger de Camus. «C’était l’ami de mon grand-père.»
3- Un recueil de Nelligan, qu’il aime moins que Gaston Miron, Anne Hébert et Hector de Saint-Denys Garneau. Son «top trois de poètes québécois».
4- Son album des finissants du Collège Notre-Dame, daté de 2004. «Ça, c’est moi. Ça, c’est Julien Hurteau, qui joue dans Le chalet. Et ça, c’est Niels Schneider. On était très amis. Les meilleurs amis! Il y a une photo d’ailleurs où on est dégueulasses. C’est dans la portion théâtre. Attends…»
Non, PALSJ – qui n’est pas une marque de bière hipster, mais bien notre version abrégée de son long nom de vicomte – n’est pas non plus de ceux qui parlent peu.
Lui parle d’un débit traînant. («Heille… on m’a dit ça hier… je ne fais pas exprès…»)
Il parle aussi d’humour comme d’autres parlent de la finale de la Coupe du monde. Et défend son art avec la même verve que les partisans les plus tenaces.
Comme s’il avait peur d’ennuyer son interlocuteur, il demande souvent, très, si ce qu’il raconte est intéressant. («Est-ce que c’est plate? Dis-le-moi si c’est plate.») Mais non, ce n’est pas plate. Entendre des jokes de peintres de la Renaissance italienne, de Louis XIV et de Renoir? Hé.
Il faut suivre, par contre. Car PALSJ ouvre (et referme) pas mal de parenthèses pendant une discussion. Au milieu d’une idée, il s’arrête et dit: «Là, je mets un astérisque, j’y reviendrai plus tard.» Vous pensez: «Ha. Il va teeeellement oublier.» Mais nononon. Il y revient. «Donc, à ce sujet…»
S’il parle beaucoup, toutefois, il dit ne pas aimer parler que de soi. Lors de son passage l’automne dernier au populaire podcast de Mike Ward, Sous écoute, c’est lui qui a posé toutes les questions à l’animateur. «Dis, toi, Mike…?» «Qu’en penses-tu, Mike…?»
«Je suis curieux! s’exclame-t-il. L’humour, c’est un art qui se transmet de maître à élève. Il n’y a pas une technique claire, nette et précise comme en menuiserie. T’as intérêt à écouter les plus expérimentés, t’as intérêt à écouter les meilleurs, t’as intérêt à vraiment t’ouvrir.»
Cette ouverture fait aussi partie de son procédé humoristique. Sur scène, il se fait un devoir d’inclure «tout le monde». Ses gags commencent souvent par des «Je ne sais pas pour vous, mais…» Ou «Tsé, on parle tous latin, hein, la gang!» Alors qu’il sait pertinemment qu’il est le seul à le faire. «Ben, y a moi et quelques perdus de la vie», ajoute-t-il.
Dans une de ces blagues «inclusives», il aborde son éducation de gamin faite d’art contemporain et d’histoire du théâtre (soit les matières enseignées par ses parents, «double doctorants, conservateurs de musée, professeurs émérites»). Ça va comme suit: «Je ne sais pas comment ça se passait dans votre école primaire, mais dans la mienne, les enfants qui parlaient d’existentialisme étaient rarement invités aux anniversaires tenus au restaurant du Zellers.»
C’est d’ailleurs dans le rayon jouets de l’institution susmentionnée, sise à Valleyfield, que Philippe-Audrey a eu une révélation il y a 13 ans. Enfin, plutôt un flash, un éclair. «Je dois aller étudier en théâtre!» Après sa sortie du Conservatoire en 2010 («parmi les pires années de ma vie»), il a eu une autre «révélation». L’appel du stand-up.
Un appel que le diplômé de l’École nationale de l’humour réfrénait depuis quelques années. Le déclic majeur? L’arrivée de Louis-José Houde. «Je ne me souviens pas du tout du premier concert de musique que j’ai vu dans ma vie, mais je me souviens parfaitement du premier show de Louis-José.» Oui? «C’était au collège de Valleyfield, à la salle Albert-Dumouchel, le 17 janvier 2005. Il faisait assez froid. J’étais assis, je me souviens de la place, au banc 11. Rangée R ou S.»
Désormais, il peut se targuer d’avoir partagé l’affiche avec celui dont l’émission, Dollaraclip, «l’a marqué ben plus que Bleu nuit». À savoir dans De père en flic 2, d’Émile Gaudreault. «Hier, je me suis retrouvé sur le tapis rouge avec lui, avec Michel Côté, avec Karine Vanasse! C’est hallucinant!»
«Je trouve qu’il y a des préjugés très sévères envers les humoristes. On remet souvent en question leur culture, leur intelligence, leur goût. Il faut simplement admettre qu’il y en a qui sont bons. Et d’autres très mauvais. C’est tout.» – Philippe-Audrey Larrue-St-Jacques
C’est peut-être hallucinant pour lui, mais c’est aussi aisément que PALSJ vogue entre la scène et les écrans. On l’a vu, entre autres, jouer le «douche» dans Like-moi, parler de ses mauvais choix de souliers à Code G et être critique à Esprit critique, justement. «J’ai aussi marqué les esprits avec mon rôle de journaliste muet dans Starbuck», rappelle-t-il.
Son style, il le décrit comme «historique, nostalgique, névrosé». Et son but dans le métier, quel est-il? «Offrir un contexte, un climat humoristique différent. Dans lequel tout le monde ne se reconnaîtra peut-être pas, mais ce n’est pas grave. Le nivellement par le bas, je trouve ça dégueulasse. L’offre culturelle, des fois, je trouve ça atroce. Mon effort, c’est de faire quelque chose de nouveau.»
Il s’arrête soudain. Inquiet. «Tu peux m’interrompre, hein? Si c’est plate, tu me le dis. C’est vraiment important.» Non, non. C’est ben correct. Tu peux continuer.
Hélas, ce n’est qu’un spectacle d’humour
Présenté dans le cadre du Zoofest
Au Monument-National
Les 14, 15, 23, 25, 26 et 27 juillet