Présenté pour la première fois sur le continent américain dans le cadre du Festival du nouveau cinéma, Gabriel et la montagne retrace les derniers jours de ce jeune Brésilien retrouvé mort au Malawi en 2009.
Gabriel Buchmann, jeune Brésilien issu d’une famille bourgeoise, part en voyage autour du monde pour aller à la rencontre des populations d’Asie et d’Afrique. À son retour, il doit intégrer la prestigieuse Université de Californie à Los Angeles (UCLA). Le 5 août 2009, son corps est retrouvé sur les flancs du mont Mulanje, au Malawi, une montagne réputée dangereuse, qu’il a gravie en laissant partir son guide à mi-parcours, un geste inexpliqué qui demeure encore un mystère.
Fellipe Gamarano Barbosa, le réalisateur du film, était l’ami d’enfance de Gabriel Buchmann. Profondément touché par la perte de son ami, il décide de retracer les 70 derniers jours de sa vie en partant, avec son équipe de tournage, sur les traces de Gabriel.
Ils ont parcouru 6 000 km entre le Kenya, la Tanzanie, la Zambie et le Malawi. Ils sont allés à la rencontre de ceux qui ont croisé la route de Gabriel, tourné dans les lieux qu’il avait fréquentés, utilisé ses propres vêtements. Même l’appareil photo qu’utilise João Pedro Zappa, l’acteur qui incarne Gabriel dans le film, lui appartenait dans la réalité.
«Refaire ses pas de manière fidèle et physique, c’est une façon d’aider son esprit à comprendre ce qui lui est arrivé.» – Fellipe Gamarano Barbosa, réalisateur de Gabriel et la montagne
Poussant encore plus loin la limite entre film et documentaire, le réalisateur a fait jouer leurs propres rôles aux personnes qu’a rencontrées le jeune Brésilien. Ces acteurs amateurs étaient indispensables pour Fellipe Barbosa. «Chaque rencontre était magique», se souvient-il. En plus de participer au film, ces derniers témoins de la vie de Gabriel ont permis de reconstituer son parcours, mais aussi son caractère, son attitude.
Ce film est bien plus qu’un hommage, c’est un message adressé à Gabriel, pour le faire revivre, lui dire qu’il n’est plus là. «Gabriel a eu une mort douce, il est mort d’hypothermie. Lorsqu’il s’est endormi, il ne savait pas qu’il n’allait pas se réveiller, raconte Fellipe Barbosa. On avait peur qu’il n’ait pas compris sa mort», ajoute-t-il.
Dans le film, Gabriel cherche à tout prix à quitter sa condition de touriste. Il n’accepte pas d’être qualifié de mzungu, «homme blanc», comme pour ne pas avoir à porter ce fardeau, celui du touriste occidental, et l’image coloniale qu’il véhicule.
S’il est impossible à saisir, Gabriel, c’est parce que sa situation de voyageur alternatif est pleine de contradictions. Altruiste, il apparaît aussi arrogant, voire égoïste, obnubilé par la perte de sa condition de touriste, qui lui colle à la peau bien malgré lui. Gabriel est imparfait, parfois énervant, mais son ami réalisateur tenait à exploiter ses contradictions. «Le personnage, décrit par les gens qu’il a côtoyés en Afrique, était dans l’action, dans le présent, il voulait manger la vie comme s’il savait qu’il était proche de sa fin. Ses contradictions, son côté humble et en même temps arrogant, c’est comme ça que les gens qui l’ont croisé m’ont décrit Gabriel», évoque le réalisateur.
En finissant sa vie sur le mont Mulanje, Gabriel aura trouvé la réponse la plus extrême à sa quête du renoncement à sa condition bourgeoise. «C’est comme s’il cherchait à rester là pour toujours, à faire partie du paysage», confirme le réalisateur.
Dans la musique baroque ou en poésie, un tombeau est une œuvre qui rend hommage à un défunt, un ami musicien ou un poète. Ce film est tombeau, le tombeau de Gabriel.