Alors que l’idée de favoriser la création de comités gais dans les écoles ontariennes créait des remous au sein des conseils catholiques et des groupes religieux, au printemps dernier, la Fédération canadienne des enseignants et des enseignantes (FCE) lançait un outil pédagogique plus audacieux encore.
Le document, intitulé Soutien aux élèves transgenres et transsexuels dans les écoles de la maternelle à la 12e année, s’adresse au personnel enseignant, aux administrations scolaires et aux conseillers en orientation.
L’ouvrage de 57 pages démystifie pour eux les questions touchant les minorités sexuelles et de genre. Concrètement, il propose «des stratégies pratiques pour la création de salles de classe plus inclusives, des plans favorisant les transitions à l’école et des façons d’appuyer les parents et les tuteurs et tutrices d’enfants en transition», explique Paul Taillefer, président de la FCE.
«S’il a de quoi faire sourciller ceux qui préfèrent ne pas aborder la question en milieu scolaire, le nouveau guide répond à un besoin important», dit M. Taillefer.
«Les statistiques démontrent que ces élèves sont à risque pour le harcèlement, le suicide. Notre position, c’est que les écoles doivent être un milieu d’apprentissage sécuritaire. La recherche démontre que [l’orientation sexuelle] se développe à un très jeune âge. On l’a fait pour répondre à des besoins marquants.»
La FCE représente de nombreux enseignants anglophones au Québec et regroupe près de 200 000 enseignants au Canada. Deux semaines après son lancement, au printemps, plusieurs avaient déjà téléchargé le document. «Nous n’avons reçu aucun commentaire de la part d’évêques ou d’associations, affirmait Paul Taillefer, lors d’une entrevue accordée à Métro le 31 mai. Une de nos organisations en Ontario est au centre de la controverse et [ses membres] sont très contents d’avoir la ressource.»
En novembre 2011, le gouvernement libéral ontarien déposait en première lecture son projet de loi 13 pour des écoles tolérantes, qui porte sur l’intimidation en milieu scolaire. Un des articles de la loi, sanctionnée le 19 juin, oblige les conseils scolaires à appuyer les élèves «qui désirent mettre sur pied et diriger des activités ou des organisations […] y compris les organisations portant le nom « alliance gai-hétéro »». La disposition a irrité l’Association des conseils catholiques. Des groupes religieux ont promis de s’adresser aux tribunaux.
Selon Marie Houzeau, directrice du Groupe de recherche et d’intervention sociale de Montréal (GRIS), difficile de dire si une telle législation créerait la même commotion au Québec. «Mais il ne faut pas oublier une différence structurelle majeure entre les deux provinces», souligne-t-elle.
«Il y a des commissions scolaires catholiques en Ontario et ça, ça fait toute la différence. Quand la Commission scolaire de Montréal (CSDM) était catholique, c’était plus difficile pour nous de les convaincre.» Le GRIS effectue de la sensibilisation en milieu scolaire depuis 18 ans. «Là, nous avons un excellent partenariat avec la CSDM», note Mme Houzeau.
Au-delà de la religion, Paul Taillefer croit pour sa part qu’il faut faire face à la réalité. «Les gens ont des croyances qui leur appartiennent, mais nous, on veut souligner qu’il y a un défi particulier pour certains élèves, et que ces élèves doivent être respectés.»
Homophobie à l’école
En 2011, Égale Canada a publié les résultats du premier sondage pancanadien sur le climat scolaire, plus particulièrement sur l’homophobie, la transphobie et l’hétérosexisme dans les écoles du pays. Près de 3700 jeunes de partout au Canada, à l’exception du Québec, ont participé à ce sondage mené en 2009.
- 17,4 ans. Âge moyen des répondants
- 71%. Proportion des personnes se disant hétérosexuelles
- 26%. Lesbiennes, gaies, bisexuelles, allosexuelles ou en questionnement
- 3%. Transgenres
Parmi les jeunes transgenres :
- 79% ont rapporté ne pas se sentir en sécurité à l’école
- 74% ont rapporté être victimes de harcèlement verbal
- 49% ont rapporté avoir été victimes de harcèlement sexuel à l’école au moins une fois au cours de la dernière année
- 37% ont rapporté être victimes de harcèlement ou d’agression physique à leur école
Lexique
Pour s’y retrouver dans la diversité, un petit lexique.
- Transgenre. Personne dont l’identité de genre, l’apparence extérieure ou l’expression de genre ne concorde pas avec les attentes traditionnelles à l’égard du sexe masculin ou féminin.
- Transexuel, transexuelle. Personne dont l’identité de genre ne concorde pas avec le sexe qui lui a été attribué à la naissance. De nombreuses personnes transexuelles entreprennent une transition à l’aide d’une hormonothérapie et parfois d’une chirurgie. Toutes les personnes transexuelles sont transgenres, mais les personnes transgenres ne sont pas toutes nécessairement transexuelles.
- Allosexuel, allosexuelle ou altersexuel, altersexuelle. Désigne des identités de genre autres que celles d’homme ou de femme. Ces personnes peuvent, par exemple, considérer qu’elles possèdent les identités des genres féminin et masculin, ou qu’elles n’ont ni l’une ni l’autre, ou qu’elles possèdent de nombreuses autres identités de genre qui ne se restreignent pas au modèle binaire traditionnel.
- Travesti, travestie. Désigne une personne qui aime s’habiller comme le font les personnes du sexe opposé. La plupart de ces personnes ne s’identifient pas comme des transexuels (transexuelles) et ne veulent pas changer de sexe.
- Hétérosexisme. Hypothèse que tout le monde est hétérosexuel et que cette orientation sexuelle est supérieure aux autres. Peut s’exprimer de façon plus subtile que l’homophobie ou la transphobie.
[Source: WELLS, Kristopher, Gayle ROBERTS et Carol ALLAN. Soutien aux élèves transgenres et transexuels dans les écoles de la maternelle à la 12e année: guide à l’intention des éducateurs et éducatrices, Ottawa (Ontario), Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, 57 p., 2011.]