Oui, Madame Pylinska et le secret de Chopin est un roman autobiographique. On se pose la question dès les premières lignes du nouveau roman d’Éric-Emmanuel Schmitt, puisqu’il est écrit de son point de vue et qu’il y utilise son prénom. Mais la réalité rejoint vite la fiction.
«L’histoire de Mme Pylinska est inspirée d’une professeure de piano que j’ai eue, qui ne s’appelait pas Mme Pylinska mais qui était quand même bien folle, peu conventionnelle. C’est un mélange d’elle et de mon imagination», explique l’auteur. La tante Aimée, mentionnée dans le livre, a elle aussi existé. Et son histoire tragique est bien vraie.
Il reste que l’écrivain affirme que dans quelques semaines, voire quelques mois, il ne saura plus distinguer ce qui est autobiographique et ce qui est romancé dans son livre. «Mes souvenirs et la fiction vont tellement fricoter ensemble que ça deviendra moins clair. C’est toujours comme ça. Chacun de nous regarde son passé à partir de la fenêtre du présent, déclare-t-il. Notre mémoire est elle-même subjective et teintée d’imaginaire.»
Ledit roman fait à peine 120 pages. Il se lit en un rien de temps. De quoi faire grimacer l’auteur quand on lui dit qu’on n’a mis que quelques heures à le lire.
«C’est vrai qu’il y a une disproportion entre le temps qu’on met à écrire un livre et le temps que les gens prennent pour le lire. Ce qui compte, c’est l’empreinte. Si le livre laisse une marque en vous, s’il a éveillé des émotions, des réflexions, des sensations qui n’auraient pas existé sans cela, alors le livre a fait son travail.»
Du temps, Éric-Emmanuel Schmitt en met vraiment beaucoup lorsqu’il rédige un nouveau roman. Inspiré par le travail acharné de son grand-père, qui était joaillier-sertisseur, il polit ses ouvrages. «Je rêve mes livres longtemps, longtemps, jusqu’à ce qu’ils existent dans mon esprit d’une façon claire, organique. Au fond, je les polis déjà dans ma tête avant de prendre la plume. Je les polis pour qu’ils aient une forme consistante. Ensuite, j’écris d’un seul jet.»
«Je ne choisis pas les histoires que j’écris, elles me sont imposées par ma vie et mon imaginaire.» – Eric-Emmanuel Schmitt, à propos des sources de son imaginaire
S’il est visiblement virtuose des mots, l’auteur fait plutôt l’éloge de la musique, de ses vertus et de ses pouvoirs dans ce nouveau bouquin. Assez pour se demander s’il ne préfère pas la musique à l’écriture. «J’ai besoin des deux dans ma vie. Je vais chercher dans la musique l’émotion pure, le temps qui palpite. La musique, c’est la respiration du temps. Le temps en musique devient savoureux, goûteux. Je ne le subis plus, je le savoure. C’est comme une expérience métaphysique, spirituelle, voire mystique. Quand le temps palpite et qu’on le sent, il produit de la beauté. Il me faut ça tous les jours.»
Et l’écriture, donc, comment peut-elle arriver à la cheville de la musique? «L’écriture, c’est une exploration. C’est ce qui me permet d’étancher ma curiosité du monde, des êtres humains. L’écriture, pour moi, c’est une boussole, une carte, une paire de chaussures pour avancer.»
Sauf que l’écriture est, selon lui, moins précise que la musique. «Je suis condamné à la poésie. Mais moi, j’aime bien être condamné à la métaphore, condamné à parler avec le langage du corps pour dire quelque chose qui n’est pas corps.» Contrairement à la musique qui, elle, peut éveiller des sentiments avec une simple note.
Madame Pylinska et le secret de Chopin s’inscrit dans la série Le cycle de l’invisible d’Éric-Emmanuel Schmitt, tout comme Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran ou Oscar et la dame rose, entre autres. Dans cette série, l’auteur «s’intéresse aux grands fournisseurs de sens. Souvent, ce sont les religions, mais ça peut être aussi des philosophies qui ont été le ciment d’une société. Et maintenant, c’est l’apport spirituel de la musique. Ce qui unit ces livres, c’est la recherche du sens».
Est-ce donc ça, le fameux secret de Chopin? Seule la lecture du livre vous le dira.