Humoriste, animateur et producteur, Howie Mandel fait maintenant partie des propriétaires du groupe Juste pour rire, qu’il a acquis en compagnie de l’agence américaine ICM Partners. Métro s’est entretenu avec le Torontois d’origine sur l’avenir de ce festival iconique, où il s’est produit à de nombreuses reprises, et dont il veut accroître la renommée internationale.
Pourquoi avoir décidé de vous impliquer dans Juste pour rire?
Dès le début de ma carrière, j’ai été contrarié par le fait que je devais quitter le Canada et passer par les États-Unis pour gagner ma vie et être respecté en tant qu���humoriste. Des Canadiens œuvrent partout dans le monde du divertissement, qu’ils soient producteurs, scénaristes ou comédiens, mais ne sont pas reconnus comme tels. C’était important pour moi, en tant que Canadien et humoriste, de faire partie du processus et d’avoir des partenaires qui comprennent la fierté que je ressens pour la culture canadienne et l’importance de la conserver ici. Je suis un partenaire, pas un frontman.
Le Festival Juste pour rire attire plus de visiteurs qu’un événement mondialement connu comme le festival de musique Coachella [en Californie], mais personne n’est au courant en dehors du Québec et du monde de l’humour. C’est pourtant La Mecque de l’humour. Le festival fonctionne déjà très bien. C’est le plus grand festival international d’humour. Mais je veux qu’on soit comme Coachella, qu’on soit une marque qui grandit et qui interpelle les gens.
Allez-vous être mêlé à la gestion quotidienne de l’entreprise?
Je ne vais pas m’impliquer dans la gestion quotidienne des activités, mais je vais être un porte-parole à temps plein et un idéateur à temps plein. Je ne vais pas mener la barque, mais je vais donner mes idées. Il y a un très bon groupe de créateurs qui sont déjà en poste en ce moment. Dès la fin de cette entrevue, je vais m’entretenir avec eux et partager mes idées. Pourquoi tout le monde connaît Coachella? Parce que c’est partout. Parce que Beyoncé y était et que sa performance a été diffusée en direct sur YouTube. Avec tous les gros noms qui sont ici, pourquoi n’y a-t-il pas de diffusion en direct sur l’internet, de jeux dérivés? Il faut y arriver. Le festival ne s’est pas vraiment étendu au-delà de ses limites habituelles. C’est le plus gros festival d’humour et le monde entier doit le savoir, par les médias sociaux et d’autres idées créatives que je voudrais implanter.
Juste pour rire a été vendu dans la foulée d’accusations d’inconduite sexuelle déposées contre son ancien propriétaire, Gilbert Rozon. Est-ce qu’une attention particulière sera accordée au traitement des femmes dans l’entreprise?
Il ne s’agit pas seulement de respecter les femmes, mais aussi de respecter les autres, de respecter ses employés et de créer un environnement de travail sain. Ce qui est arrivé ici, tout comme le nom de Gilbert Rozon, n’est pas connu à l’extérieur de Montréal ou du Québec et n’a pas affecté l’image de marque de Juste pour rire. Mais la culture d’entreprise a changé, comme cela s’est produit dans le milieu de la finance ou du cinéma. C’est un mouvement mondial. Ça ne se limite pas à Juste pour rire. Oui, malheureusement, ces choses horribles se sont produites. La bonne nouvelle, c’est que la planète entière en est consciente et s’applique à changer les choses, du mouvement #metoo aux revendications pour l’égalité salariale. C’est une question de respect. Et il y a du respect au sein de cette entreprise. C’est un nouveau départ pour nous et tout le monde est enthousiaste à l’idée d’aller de l’avant.
Le scandale Gilbert Rozon a également provoqué la création d’un nouveau festival d’humour francophone, le Grand Montréal Comédie Fest. Y a-t-il un danger que les humoristes francophones soient négligés
par Juste pour rire?
Le volet francophone est primordial dans Juste pour rire. C’est la raison pour laquelle le festival connaît autant de succès. Lorsqu’on vient à Montréal, qu’on entend ces langues différentes, qu’on voit des performances du monde entier, on sait quelle importance a le français. Pour offrir un festival international, réellement multiculturelle et multilingue, on ne peut pas être un événement uniquement anglophone. D’autres groupes l’ont essayé dans le passé et ils se sont cassé les dents. À ceux qui ont décidé de créer cet autre festival, je dis : «Je respecte votre démarche, je ne vous souhaite que du succès, mais mes bras et nos scènes vous sont ouverts. J’espère que vous ferez partie de notre aventure.»
Y a-t-il assez de place pour deux festivals?
Il y a de place pour 3 500 festivals. [Rires] Peu importe la grosseur de l’événement, si quelqu’un veut monter sur scène et inviter des gens à le voir, il peut le faire. Je crois aussi que le public francophone soutient beaucoup plus ses humoristes que les anglophones. Si j’étais francophone, je n’aurais probablement jamais quitté cette ville. C’est fantastique le nombre de billets vendus par les humoristes québécois dans la province. Si vous pouvez vendre autant de billets et habiter dans une ville aussi agréable, pourquoi quitter sa famille pour aller à Las Vegas ou à Los Angeles? J’aimerais que tous les publics soient aussi généreux que le public québécois.
Vous verra-t-on sur scène cet été?
Oui, je vais animer un gala. Que ce soit pour un gala, donner un spectacle ou simplement marcher dans les rues, j’adore l’atmosphère de la ville pendant le festival. Peu importe la langue parlée par ceux qui sont sur scène, il y a quelque chose d’unique et d’électrique autour de ce grand rire collectif. J’espère qu’encore plus de gens du monde entier pourront l’apprécier. Cette ville est géniale, même sans festival. Ajoutez ici Juste pour rire et c’est le paradis!