L’ancien chanteur des Sex Pistols et figure de proue du mouvement punk John Lydon a une philosophie bien simple: toujours dire le fond de sa pensée, n’en déplaise à certains. Survol d’une carrière marquée par l’anarchie, l’affrontement et l’intégrité avant le passage de son groupe Public Image Ltd. jeudi à Montréal.
Public Image Ltd (PiL), que Lydon a fondé en 1978 après son départ des Pistols, a beau avoir de profondes racines punk, le groupe n’a rien à faire des préconceptions. Pionnier du post-punk, PiL a emprunté et donné au funk, à la pop, au dance, au noise, nommez-le.
«Je n’ai pas peur des différents styles. Ce dont j’ai peur, c’est me répéter, devenir ennuyeux et entrer dans une catégorie», explique John Lydon, joint par Métro avant le lancement de la tournée nord-américaine célébrant le 40e de PiL.
«Les émotions et les idéologies qu’on explore, ajoute le chanteur britannique, on aime les traiter avec précision. On ne peut pas le faire en étant tenu à des modèles musicaux.»
«Tu peux travailler avec les meilleurs musiciens du monde, mais ils ne t’apporteront aucune créativité s’ils sont pris dans le manuel, les catégories et les approches stylistiques qu’on leur a sur-enseignées.» –John Lydon
«D’où je viens»
L’histoire de John Lydon, et celle de PiL, font l’objet d’un documentaire réalisé sur huit ans par Tabbert Fiiller.
À la base, l’idée était de suivre le groupe depuis son retour en 2009, mais, comme a dû l’admettre le volubile personnage au centre du projet, «tu ne peux pas avoir d’avenir sans avoir eu de passé».
Et donc (bruit de vinyle qu’on fait jouer à l’envers), on remonte dans le temps.
Pour réaliser The Public Image is Rotten, Tabbert Fiiller a eu accès à un John Lydon assagi prêt à parler d’épisodes qu’il tenait plutôt privés, comme la méningite contractée dans son enfance, qui l’a dépouillé de sa mémoire pendant près de quatre ans.
«J’ai dû m’ouvrir et partager ces événements pour que les gens comprennent mes motivations. D’où je viens et ce que j’ai dû endurer», justifie l’artiste de 62 ans qui a grandi dans un quartier ouvrier de Londres.
Le documentaire remet en contexte la production parfois broche à foin des 10 albums – 11, si on compte Commercial Zone, sorti par le guitariste Keith Levene sans l’accord des autres membres – et des chansons les plus marquantes du groupe comme Public Image, Rise, This is Not a Love Song, Death Disco et The Flowers of Romance. Tabbert Fiiller donne également la parole à d’anciens de PiL, groupe reconnu pour ses membres éphémères, et à d’autres musiciens, influencés par la musique de Lydon.
Depuis 2009, Lydon, Lu Edmonds (guitare), Scott Firth (basse) et Bruce Smith (percussions) forment PiL, et ils semblent être partis pour longtemps. Ils ont par ailleurs commencé l’enregistrement d’un nouvel album, leur troisième ensemble.
«Je crois que la meilleure façon de célébrer 40 ans, ce n’est pas de faire la fête comme un fou, mais de travailler dur. Sinon, tu ne fais que t’asseoir sur tes lauriers et ça ne sert à personne. Les lauriers, ça pique et ça ruine ta coiffure.» –John Lydon
«Nés dans la répression»
Des tensions sociales et de la guerre des classes sociales ont émergé les Sex Pistols en 1975, symboles de ce qui se cachait derrière l’image britannique parfaite et immaculée.
Contrairement aux punks «semi-aisés» de New York (lire ici The Ramones), les Pistols sont «nés dans la répression» imposée par l’élite britannique, insiste celui qui incarne l’esprit punk encore à ce jour. «Ils étudiaient des absurdités comme la poésie, ajoute-t-il sur un ton taquin, en pensant que ça les mènerait à un trésor culturel. J’aime bien la poésie, mais je n’imagine pas Rimbaud me sortir de la répression. Je réfléchis trop à son œuvre et j’entre en dépression.»
Les institutions, la monarchie, la religion: «tout ce qui emprisonne les gens» était la cible du vitriol de Johnny Rotten, nom que se donnait Lydon à l’époque.
«Je voyais ça comme un jeu de serpents et échelles», raconte-t-il pour illustrer les tensions qu’il y avait entre le groupe et ses gérants, le label, le public, la presse, etc.
Pour certains, les Sex Pistols et leurs hymnes Anarchy in the UK et God Save the Queen empoisonnaient la jeunesse britannique. Et la presse était «déterminée à trouver une faille» et à les tourner en vilains.
«C’est un rôle difficile à jouer, admet le rouquin cynique et sarcastique qui menait la formation. Donc, j’ai juste décidé que j’allais toujours dire la vérité. Je me réveillais sans avoir à me rappeler les mensonges que j’avais dits la veille. C’est tout un exploit dans notre monde.»
«Avec moi, c’est la vérité, toute la vérité et l’agonie qui vient avec parfois.» –John Lydon
Si le groupe et son leader à la grande gueule se trouvaient souvent au cœur de conflits alimentés par l’alcool, la drogue et une bonne dose de rage, les Sex Pistols, et ensuite Public Image, n’ont jamais incité à la violence.
«Ma révolution est assez calme, assure Lydon. Je veux savoir quelles sont les règles et je prends un plaisir fou à déconstruire celles qui n’ont aucun sens.»
Par exemple, la famille royale. «Pourquoi n’ai-je pas le droit de les critiquer? Je les paie de ma poche.»
Quatre décennies plus tard, John Lydon n’a toujours rien à faire des conventions et fait ses propres règles. Les deux derniers albums de Public Image, This is PiL et What the World Needs Now…, ont été financés et produits par le groupe reconstruit en 2009. En se défaisant des compagnies de disque, le chanteur dit avoir «instantanément trouvé de la stabilité».
Quelques leçons de vie tirées de l’entrevue avec de John Lydon:
- «Il faut s’éduquer sur tout ce qu’on rencontre. Il ne faut jamais laisser passer l’occasion de lire.»
- «Il n’y a aucune raison pour l’héroïne.»
- «J’ai toujours dit qu’on apprend la majorité des choses dans une vie par l’humour.»
- «Ne jamais juger quelqu’un trop sévèrement.»
- «Il faut être flexible face à toutes calamités ou situations bénéfiques qui surviennent. Il faut être capable de saisir le moment.»
Public Image Ltd sera en concert jeudi le 18 octobre à 20h au Club Soda
Le documentaire The Public Image is Rotten sera projeté mercredi le 17 octobre à 19h au Centre Phi