Troquant momentanément le bonnet d’acteur contre celui de réalisateur, Gilles Lellouche plonge dans le désarroi masculin avec Le grand bain.
Des hommes d’origines et de classes sociales différentes oublient leur mal-être quotidien en faisant de la natation synchronisée. L’idée est source de rires, bien qu’elle cache, selon Gilles Lellouche, une tristesse de plus en plus généralisée.
«J’observais en France une espèce de mélancolie chez les gens, explique celui qui a commencé à écrire ce film à Montréal, il y a cinq ans. Comme s’il y avait moins de désir, moins d’envie. Qu’est-ce qui fait qu’un homme n’est pas heureux dans une société occidentale dans laquelle tout va bien?»
Le climat de rêves est montré du doigt. Ceux de jeunesse, inaboutis, et ceux imposés par les médias, les publicités.
Alors que les personnages campés par les Mathieu Amalric, Guillaume Canet et Benoît Poelvoorde sont fragilisés par leur condition, ils arrivent malgré tout à remonter à la surface. Tout cela grâce à un sport d’équipe «où ils n’ont pas le choix de s’empoigner, d’être solidaires», rappelle le cinéaste.
«On est assommés de rêves qui ne sont pas forcément les nôtres. On n’arrive plus à se dire: “Ce que je vis, ce que je suis, ça me contente, je suis heureux.”» – Gilles Lellouche, réalisateur du film Le grand bain
Cette notion du collectif a germé chez le comédien lorsqu’il a tourné le téléfilm Un singe sur le dos et qu’il devait jouer un alcoolique.
«J’allais aux Alcooliques anonymes de reculons, admet-il. J’avais peur d’être dans un truc trop dur. Mais en fait, j’ai été halluciné par la chaleur qui se dégageait de ces réunions. Vous pouviez parler 50 minutes, et tout le monde vous écoutait sans juger. C’était extrêmement doux et humain… J’ai essayé de reproduire ce climat où se retrouvent dans le vestiaire ces types qui se racontent leur vie de façon libre.»
Ça coule de source
Ovationné à Cannes et grand succès commercial en France, où il a déjà été vu par plus de 2,5 millions de spectateurs en deux semaines, Le grand bain rappelle que la comédie dramatique à vocation thérapeutique fonctionne très bien.
Son metteur en scène, Gilles Lellouche, doute toutefois que sa première réalisation en solo connaisse le même triomphe que Intouchables ou La famille Bélier.
«Parce que mon film a quand même une certaine noirceur, note celui qui était de passage à Montréal dans le cadre du festival Cinémania. Il faut accepter une première partie un peu sombre. Je voulais raconter avec honnêteté la problématique de chacun des personnages pour qu’on ait de l’empathie pour eux, pour qu’on dépasse l’idée du film de sport. On se doute bien de ce qu’on va voir. Il va y avoir une compétition. Ils vont gagner ou perdre. Bon, d’accord. On s’en fout. Ce qui est important, ce sont les petites histoires dans la grande histoire. Et à cause de ça, mon film risque d’être moins rassembleur.»
Le grand bain en salle dès le 9 novembre