Culture

Patrick Krief, en solo et en toute sincérité

En avril dernier, Patrick Krief, guitariste du renommé groupe montréalais The Dears, faisait paraître son premier disque solo, Hundred Thousand Pieces. Il le présente demain soir sur la scène du Lion d’Or, entouré d’une dizaine de musiciens. «Ce sont les meilleures chansons que j’aie jamais composées», dit-il sans fausse modestie. À l’approche de ce concert auquel il dit avoir très hâte, il en discute avec nous.

Sur Hundred Thousand Pieces, vous parlez beaucoup de la peur et de la nécessité de la combattre. Vous terminez d’ailleurs votre album sur la pièce Love Without Fear («aime sans crainte»). Est-ce une chose à laquelle vous avez été confronté lorsque vous écriviez?
Oui, comme pour beaucoup de gens, la peur est un obstacle majeur pour moi. Lorsque j’écris, elle est souvent présente, et je dois m’efforcer de passer par-dessus et me rappeler que faire des chansons est censé me rendre heureux. Ce qui n’est pas une tâche facile! (Rires) Dernièrement, ma vie a énormément tourné autour de ça : apprendre à ignorer ou du moins à maîtriser mes angoisses.

Et la musique vous aide?
Oui. En général, les êtres humains trouvent du réconfort dans la routine. Alors que, lorsqu’on est musicien, on n’a ni routine… ni réconfort! J’ai fini par l’accepter, mais à un certain moment, le côté incertain de ma profession m’a fait paniquer. Je me suis dit merde, est-ce que je vais vraiment vivre toute ma vie comme ça? Sans savoir combien d’argent je vais gagner et sans pouvoir planifier quoi que ce soit? Il faut vraiment avoir les nerfs solides pour mener une existence pareille!

Pourtant, sur la pièce Simple Lives, vous chantez que «la vie normale ne vous a jamais intéressé».
C’est parce qu’elle ne m’a jamais intéressé et qu’elle ne m’intéressera jamais! Reste que, rendu à un certain âge, j’ai tout remis en question. Ce qui est drôle, c’est qu’autour de moi plusieurs de mes amis vivaient l’inverse. Ils avaient des super boulots dans des cabinets d’avocats, ils faisaient plein d’argent et… ils souffraient le martyre. «Je hais mon boulot, je veux être peintre!» me disaient-ils.

Dans ces temps-là, je leur conseillais : «Lance-toi! Sinon, de quoi aura l’air ta vie? Tu vas te réveiller tous les matins malheureux, tu vas te rendre à ton bureau complètement déprimé, mais tu auras plein d’argent dans ton compte en banque? Ça n’a aucun sens!» J’en suis ainsi venu à la conclusion que s’il le fallait, je vivrais dans une boîte, en carton. Tant que je pourrais faire de la musique.

Du coup, ce disque a été cathartique?
Absolument! Surtout au moment où je l’ai mixé. J’ai alors réellement senti que ma vision d’artiste prenait forme. Je me suis dit : «Heureusement que je n’ai pas abandonné ce projet comme j’ai failli le faire! Heureusement que je l’ai mené à terme!»

Et êtes-vous heureux de la façon dont il a été reçu?
Vous savez quoi? J’étais tellement content du résultat final que j’étais prêt à dire f*ck you à quiconque l’aurait descendu! (Rires) Mais tous ceux qui l’ont écouté l’ont aimé. Ça m’a rendu heureux, mais ça m’a fait peur aussi. Je veux dire : les gens ont apprécié mon album. Et maintenant, quoi? Qu’est-ce qui arrive désormais?

Vous étiez vraiment prêt à combattre ceux qui ne l’auraient pas aimé?
Oui! (Rires) Quand j’ai bouclé mon disque, je me suis dit que, si quelqu’un le démolissait gratuitement, j’allais l’envoyer promener. Parce qu’il y a une différence entre dire : «Je n’ai pas aimé» et : «C’est de la merde». Par exemple, quand j’étais jeune, j’étais le plus grand fan de Jimi Hendrix et, pour m’agacer, les gens disaient : «Jimi est nul!» Ça me mettait hors de moi! «Ne dis pas qu’il est nul; dis que toi, tu ne l’aimes pas!»

Mais avec le temps, je suis devenu immunisé contre ce genre de critiques. Surtout qu’avec les Dears, on a lu tellement de commentaires atroces à notre sujet! C’était vraiment personnel; ça n’avait plus rien à voir avec la musique. Maintenant, je ne m’en fais plus autant.

Au Lion d’Or,
mardi à 20h

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