Eva Husson part au front avec Les filles du soleil, un film audacieux qui ne laisse personne indifférent.
Nous avons fait la connaissance d’Eva Husson par l’entremise de Bang Gang, un long métrage léché et provocant sur des adolescents qui remplissaient le vide politique des années 1990 par le sexe. On la retrouve avec Les filles du soleil, une œuvre radicalement différente qui s’intéresse au sort de femmes soldates kurdes.
«Ce qui m’intéresse, dans ces deux films personnels, c’est le rapport de l’individu au collectif, confie la réalisatrice française, rencontrée pendant le festival Cinemania. Lorsque ces femmes étaient isolées dans des camps de réfugiés, elles dépérissaient. Mais quand elles s’inscrivaient dans un collectif de combattantes, elles n’étaient plus laissées à elles-mêmes. Elles dépassaient ce statut de victimes et reprenaient le contrôle de leur vie.»
Une renaissance qui s’effectue dans le bataillon de Bahar (Golshifteh Farahani) lors d’un conflit extrêmement violent, que couvre une reporter française (Emmanuelle Bercot).
Cette lutte pour un idéal n’est pas sans rappeler le prenant documentaire Gulîstan, terre de roses, de Zaynê Akyol. Et bien que la cinéaste soit allée sur le terrain pour étoffer sa recherche, elle ne prétend pas avoir de devoir particulier envers le réel.
«Mon cinéma n’est pas réaliste, naturaliste. C’est un cinéma qui est vraiment dans le rapport du corps au monde. Ce qui m’intéresse, c’est de communiquer avec ma subjectivité. Le cinéma est un médium magnifique pour ça, parce que ça permet de faire un voyage intérieur, à la fois dans le temps, la perception et la mémoire. Ça nous renvoie toujours à des expériences personnelles.» – Eva Husson, réalisatrice du film Les filles du soleil
«Tous les gens sont convaincus que les réalisateurs et les scénaristes présentent des films de fiction inscrits dans un contexte de géopolitique historique comme un fait, explique-
t-elle. Mais nous ne sommes pas des historiens, nous ne sommes pas tenus à la véracité historique. Il y a la liberté artistique, la liberté de point de vue.»
Cela n’a pas empêché Les filles du soleil d’être vilipendé à Cannes, où il a été présenté en compétition officielle. Si le public a semblé adhérer à la proposition, la presse française a cassé beaucoup de sucre sur son dos.
«Le film dérange la vision patriarcale en place, les représentations traditionnelles du monde, avance la metteuse en scène. Et il ne s’agit pas de visions de femmes ou d’hommes. Quand une société est basée sur le patriarcat et que tout d’un coup on lui montre des choses de manière différente, par exemple des femmes qui s’emparent d’armes et qui donnent la mort, c’est un peu sacrilège.»
«Ce qui s’est passé, c’est un vrai lynchage, c’est de l’intimidation, évoque Eva Husson. Mais je suis heureuse que ça permette de parler de la problématique de la prise de parole des femmes dans la société, et à quel point c’est encore considéré comme une menace.»