L’auteur-compositeur-interprète américain Steve Gunn s’est entretenu avec Métro pour discuter de son nouvel album The Unseen in Between.
En 10 ans de carrière, Steve Gunn a bâti un riche catalogue de magnifiques chansons folk qui abordent la délicatesse du quotidien sur fond de guitare aventureuse et qui le placent parmi les meilleurs musiciens de sa génération.
Métro a eu la chance de s’entretenir avec lui avant le début de sa longue tournée américaine et européenne.
Le nouveau disque est un grand pas en avant. Ses orchestrations par couches sont très riches, mais on reconnaît aussi votre guitare expérimentale et votre style de composition. Selon vous, un disque arrête-t-il d’évoluer une fois enregistré ou se renouvelle-t-il au fil des concerts?
Mon groupe et moi, nous ne nous contentons pas de jouer des chansons à la note près soir après soir. Nous sommes tous en quelque sorte des improvisateurs d’office. Lorsque nous nous produisons, c’est toujours un peu libre. J’ai composé seul, probablement plus qu’à n’importe quel moment dans ma carrière, parce que je ne voulais pas gaspiller de temps. Si le groupe avait été là et que je m’étais mis à changer d’idée, tout le projet serait tombé à l’eau. J’avais une idée claire de ce que je voulais accomplir.
On entend toujours parler de groupes qui pratiquent les chansons ad nauseam et perdent ce sentiment de danger. Mais comme chanteur solo, si tout est bien rodé et qu’on s’entoure de bons musiciens, les possibilités sont infinies…
Oui, c’est un peu ce que j’ai ressenti! Le bassiste, Tony Garnier, a tellement d’expérience. Il a fait partie du groupe de Bob Dylan pendant 30 ans. Il m’a beaucoup aidé. Il me disait par exemple: «Vas-y et chante tes chansons. Ne réfléchis pas trop. Sois juste toi-même, parce que ça sonne très bien.» C’est une expérience assez angoissante d’entrer dans le studio en pensant: «Est-ce que je m’y prends correctement? Est-ce que ça sonne bien?» Mais je me suis vite senti très à l’aise dans ce scénario.
«On me dit parfois à propos de certaines de mes chansons: « Ça ne fait aucun sens. C’est quoi, l’histoire ou le contexte? » À quoi je réponds: « J’aimerais mieux garder cela pour moi. »» – Steve Gunn
Votre jeu de guitare attire beaucoup l’attention dans les médias. Mais j’ai toujours trouvé vos textes fascinants. Ils se caractérisent par une imagerie vive, mais aussi très vague et poétique. Ils réussissent aussi l’exploit d’être intemporels, comme s’ils étaient gravés dans la pierre. Est-ce une impression dont vous avez conscience dans votre processus d’écriture?
Oui. Je suis très influencé par l’art, la poésie et la tradition folk. J’aime mélanger les trois ensembles et ne pas me cantonner à une image. J’essaie habituellement de penser à des idées thématiques et de travailler à l’intérieur de celles-ci, au lieu de parler d’une expérience particulière. Ce disque est certainement plus intime que les précédents.
J’aime laisser planer le mystère! En musique, ces jours-ci, beaucoup du secret et de la liberté de faire sa propre interprétation des chansons est perdu. Peut-être que je suis juste trop vieux jeu. Je ne suis pas de la génération millénariale, mais je viens d’une école où la musique est développée de façon plus tangible.
Vous faites appel à la musicienne japonaise psych-folk Sachiko Kanenobu pour assurer la première partie de plusieurs spectacles de votre tournée. Pensez-vous que la tradition folk consistant à rendre hommage à des artistes méconnus mais influents vaut la peine d’être perpétuée?
Cette coutume est très importante. Ces personnes sont là et prêtes à jouer. Leur musique est encore très influente et plusieurs sont même devenues mythiques. Quand j’ai demandé Sachiko Kanenobu de m’accompagner en tournée, elle s’est montrée très ouverte et amicale. Plusieurs qui aiment beaucoup sa musique ne savent même pas qu’elle est encore active. Cette courtoisie, à plusieurs égards, est d’autant plus importante dans le contexte actuel de l’industrie musicale. Avec l’écoute en continu et les médias sociaux, la gratification instantanée fait que les auditeurs se servent sans écouter les albums au complet. Ils ne vont pas nécessairement creuser plus loin pour voir ce qui s’est fait dans le passé. C’est aussi une relation de réciprocité et d’amitié. Les musiciens comme elle apprécient que leur oeuvre soit encore d’actualité. Je souhaite que la même chose m’arrive un jour!