Le romantique se mue en politique dans Un amour impossible, le nouveau film de la réalisatrice française Catherine Corsini.
Cette adaptation du roman à saveur autobiographique de Christine Angot débute dans les années 1950 et se déroule sur plus de trois décennies.
Même si elle provient d’un milieu modeste, Rachel (Virginie Efira) n’a d’yeux que pour Philippe (Niels Schneider), qui est issu d’un milieu plus aisé. Une fillette naîtra de cette union, mais ne sera jamais reconnue par le père, qui devient de plus en plus odieux avec son entourage.
«J’ai eu un coup de cœur immédiat pour cette femme, confie la réalisatrice, rencontrée dans le cadre des Rendez-vous d’Unifrance. J’ai vu à travers elle la vie de plusieurs femmes de ma génération qui ont été abîmées. J’ai pensé à toutes ces femmes qui ont vécu en pensant qu’il n’y avait que le grand amour qui pouvait les sauver, qui étaient beaucoup sous la domination masculine. Elles sont devenues des héroïnes qui se sont battues et se sont sacrifiées pour élever leurs enfants.»
Autant l’élégant long métrage séduit par sa romance sensuelle, sa photographie luxueuse et ses ellipses ingénieuses, autant une violence d’une noirceur implacable revient périodiquement hanter le destin lumineux de sa protagoniste.
«Je pense que la vie est faite comme ça, de hauts et de bas, de moments de bonheur absolu et de déceptions, avance la cinéaste, qui a offert par le passé les œuvres Partir et La répétition. Je suis à la fois très sentimentale, très nostalgique, très tournée vers ces retournements d’émotions qui me sont très sensibles. Je pense que ça imprègne complètement mon cinéma.»
Cette histoire intime et personnelle ne tarde pas à s’étendre à un niveau beaucoup plus large lorsque les rapports de force liés à la classe et au sexe se mêlent à ceux de la société patriarcale.
«La mère ne se sent pas toute seule là-dedans, elle se sent dans un vaste mouvement de domination, explique la metteure en scène française, dont l’art a toujours été marqué par ces houleuses relations de pouvoir. Partant de la petite histoire, on est maintenant dans la grande. Cette notion politique est super importante. C’est justement pour ça que j’ai voulu faire le film.»
Conscient qu’il ne se fera pas d’amis en incarnant un personnage aussi détestable, le Franco-Québécois Niels Schneider – qui mène une belle carrière en France – rend hommage à ces figures féminines fortes et résilientes.
«C’est un grand film féministe qui donne espoir, qui rappelle qu’on peut se sortir d’événements traumatisants, d’une humiliation et d’un déshonneur, déclare celui qui a remporté en 2017 le César du Meilleur espoir masculin pour le long métrage Diamant noir. En essayant de comprendre les choses, en retrouvant une parole, on peut échapper à ce statut de victime. On peut redonner de l’ordre au monde.»