J.S. Ondara parle en connaissance de cause lorsqu’il chante «Oh honey, I’m just getting good at saying goodbye». Il y a six ans, l’auteur-compositeur-interprète a dit au revoir à ses proches et à son Kenya natal pour vivre son rêve américain.
Ce rêve, il le nourrit depuis son coup de foudre pour le folk, survenu à l’adolescence par un drôle de hasard, lorsqu’il a appris que la chanson Knockin’ on Heaven’s Door avait été écrite par Bob Dylan et non par son groupe préféré, Guns N’ Roses, comme il en était convaincu.
Autre fruit du hasard, le musicien a eu la chance de remporter la «loterie de la carte verte», qui donne une résidence permanente aux États-Unis à 50 000 personnes chaque année.
Une fois établi chez une tante près de Minneapolis, l’artiste autodidacte alors âgé de 20 ans apprend la guitare. Rapidement, il se démarque par sa voix exceptionnelle et son folk aux accents pop.
En février dernier, à 26 ans il lançait son premier album, Tales of America, qu’il vient présenter pour une première fois à Montréal, dans le cadre du Festival international de jazz.
Comment décririez-vous votre vie aux États-Unis, où vous vivez depuis six ans?
Il y a des hauts et des bas, mais en général, c’est une expérience assez plaisante. Je n’avais aucun contact en arrivant ici… Je ne savais même pas jouer d’un instrument de musique! D’avoir pu me bâtir une carrière à partir de rien est très excitant.
Diriez-vous que Tales of America résume votre expérience de ce pays?
D’une certaine façon. Ça résume mes observations. Il y a de me expériences, mais aussi de celles que j’ai pu voir chez d’autres immigrants.
Vous avez déclaré il y a quelques mois: «La vie est étrange, et l’Amérique est tellement étrange.» Voyez-vous toujours les choses ainsi?
Oh oui, absolument. La vie est vraiment étrange, je crois qu’on sait tous ça! (Rires) Et les États-Unis sont de toute évidence étranges, surtout depuis l’arrivée de ce gouvernement. Et ma vie en particulier a été plutôt bizarre; on n’a qu’à regarder mon parcours. J’éprouve toujours ce sentiment.
«Ma découverte du folk a été accidentelle, tout comme mon arrivée aux États-Unis. Cette série d’événements me semble être une conspiration de l’univers pour me mener quelque part, je ne sais pas où encore!» J.S. Ondara
Vous habituez-vous à cette nouvelle vie?
J’essaie, mais ce n’est pas si facile. (Rires) C’est tellement différent du pays d’où je viens, de tout ce que j’ai vécu et de toutes les attentes que je m’étais faites. Ça va prendre du temps avant que je m’y habitue, si je finis par m’y habituer.
Un des thèmes de votre album est l’immigration, abordée notamment dans les chansons American Dream et God Bless America. Pourquoi était-ce important pour vous de partager ces récits?
En tant qu’immigrant dans ce climat d’intolérance grandissante, et en tant que chanteur folk, ça allait de soi. C’est un sujet que je devais aborder d’une façon ou d’une autre. C’était un devoir pour moi de poser un regard objectif sur cette situation en tant qu’étranger.
La chanson Turkish Bandana, que vous chantez a capella, aborde aussi cette réalité, plus précisément l’écart entre le rêve et la réalité du parcours migratoire…
Cette chanson me rappelle mes débuts au Kenya, quand je n’avais aucun accès à des instruments de musique. Tout ce que je pouvais faire, c’était écrire des poèmes et les chanter a capella. C’est ainsi que sonnaient toutes mes chansons! C’est un clin d’œil à cette époque. Et puis, il y a quelque chose dans cette voix dépouillée et brute, sans aucun autre son, qui met l’accent sur les mots et le message.
Parlons de votre voix, car elle est magnifique. Avez-vous toujours su que vous aviez un talent?
Pas vraiment. Personne ne me disait en grandissant que j’avais une belle voix. Elle m’a toujours rendu un peu mal à l’aise, je lutte encore contre ça. Je la vois comme un outil pour raconter mes histoires. En fait, tout a commencé quand, plus jeune, j’ai entendu une chanson de Jeff Buckley. Sa façon de chanter m’a profondément ému et j’ai voulu chanter comme lui.
Vos influences musicales sont tout aussi intéressantes. Vous vous intéressiez d’abord au rock, écoutant des groupes comme Radiohead et Nirvana (votre reprise de Smells Like Teen Spirit est incroyable!), avant de découvrir le folk. Qu’est-ce qui vous a fait tomber à ce point amoureux de ce style?
Quand j’ai entendu la musique folk pour la première fois, c’était si différent de tout ce que j’avais entendu auparavant. C’était très dépouillé, l’attention étant portée sur les histoires. J’adore les histoires et les poèmes. Je ne savais pas vraiment comment marier ça avec la musique jusqu’à ce que je découvre le folk. Je me suis dit: «Comment se fait-il que personne ne m’ait parlé de cette musique avant?» (Rires)
Vous avez déjà dit en blaguant que vous pourriez faire un virage rock. Souhaitez-vous reconnecter avec vos premiers amours?
(Rires) J’ai presqu’envie de dire que ce sera inévitable à un certain point. Je ne sais pas quand. Mais ce jour arrivera. Je sortirai une guitare électrique, il y aura un band, et il y aura un album de rock. Je sens que c’est ainsi que ça doit se passer, parce que c’est ainsi que tout a commencé. Peut-être après quelques albums, je ne sais pas. Je ne peux faire aucune promesse!
En conclusion, J.S., ce sont vos initiales?
C’est un mystère, personne ne le sait! (Rires)