Les cinéphiles seront aux anges avec la sortie de La flor, de Mariano Llinás. Un opus qui se retrouve dans une classe à part dans l’histoire du cinéma.
Le réalisateur et scénariste argentin Mariano Llinás ne fait jamais rien comme les autres.
Dans son précédent long métrage Historias extraordinarias (2008), d’une durée de plus de quatre heures, il mélangeait trois récits incroyables. Le voilà qui renoue avec ce canevas littéraire, superposant six histoires au sein d’une fresque titanesque de près de 14 heures, dont le tournage s’est échelonné sur sept ans!
«Aujourd’hui, il y a beaucoup de films tellement longs, dont la durée veut mettre le spectateur dans une sorte de « transe », où il faut se laisser aller comme dans un fleuve», fait remarquer le cinéaste, joint à New York.
Expérience narrative extrême
Celui qui sera à Montréal la semaine prochaine poursuit:
«Chez nous, cette transe vient de la volonté de faire une expérience narrative extrême. Pas en cherchant le vide, mais en le remplissant, jusqu’à l’extrême de la folie. J’ai une éducation surréaliste. Selon moi, il faut remplir les choses, transformer nos chambres en musées et combler nos films de babioles et de colifichets.»
La flor fait ainsi l’effet d’une œuvre totale, regroupant quasiment tous les genres possibles et inimaginables (série B, mélodrame musical, suspense d’espionnage, comédie romantique muette en noir et blanc, etc.) et osant l’aventure ludique. Le tout sans lésiner sur la voix hors champ omnisciente, les hommages, les mises en abyme et ce côté méta qui fait souvent toute la différence.
Les récits commencent ainsi sans nécessairement se terminer, empoissonnant le suivant jusqu’à créer un tout cohérent. Un projet original et complètement imprévisible s’il en est un, qui apporte un véritable vent de fraîcheur au septième art.
«Les réalisateurs acceptent si naturellement les limites que les producteurs imposent à leurs films qu’ils finissent par mettre de côté toute ambition poétique», évoque le metteur en scène, qui a contribué avec quelques pairs au renouveau du septième art argentin.
«Ils veulent “faire le film”, quel qu’il soit. Si La flor est tel qu’il est, c’est parce qu’il a été fait sans producteur, par des gens du cinéma qui se sont réjouis de chaque partie de la fabrication; même les plus difficiles», ajoute-t-il.
«La liberté du film vient de ces méthodes de travail du temps, jadis, où le cinéma était un territoire en expansion, et non une série d’objets design faits pour que les réalisateurs puissent construire leur carrière et que les producteurs puisent passer leur vie à se promener de par le monde et boire du champagne.» – Mariano Llinás, créateur de La flor
Quatuor féminin
La réussite de l’entreprise réside également entre les mains de ses quatre formidables interprètes féminines – Laura Paredes, PilarGamboa, Elisa Carricajo et Valeria Correa –, qui campent une multitude de personnages différents. Des présences hors norme, qui permettent de les révéler comme rarement au cinéma.
«Chaque jour, je suis de plus en plus convaincu que ce sont elles qui ont fait ce film avec moi, et non moi avec elles», affirme son créateur.
Surtout que les rôles défendus sont complexes et étonnants, les obligeant généralement à s’allier afin d’affronter un monde cruel, souvent dominé par les hommes.
«L’aspect le plus féministe du film est d’avoir pensé à une infinité de rôles à jouer par quatre femmes sans penser une seule fois que ces rôles devraient être “féminins”, indique Mariano Llinás. Dans bien des cas, il s’agissait de rôles qui, dans un film classique, auraient été créés par des hommes. Il y a des scènes de combats à coups de poing, de tirs, de persécution…»
Il poursuit:
«Le cinéma a toujours filmé les femmes. Le problème, c’est qu’elles ont toujours été filmées en train de faire les mêmes choses. Je suis convaincu que nous avons élargi cet horizon.»
L’inoubliable quatuor campe d’ailleurs, dans l’intrigant quatrième segment, des agentes de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) qui ont à frayer avec une réalité des plus insoupçonnables!
«J’ai toujours pensé que le drapeau canadien et les uniformes de la police montée sont parmi les plus belles choses du monde, avoue le cinéaste. J’y pense depuis ma plus tendre enfance. Je crois que c’est le meilleur usage du rouge que l’homme ait fait depuis le 19e siècle. Et pourtant, je n’y suis jamais allé. La semaine prochaine sera ma première fois. J’espère que vous ne me décevrez pas!»
La flor
À la Cinémathèque dès aujourd’hui
Au Cinéma Moderne
du 5 au 9 août, en présence
du réalisateur