De grosses productions télé sont sorties ces dernières semaines, allégeant notre quotidien chamboulé par la pandémie de coronavirus. Parmi elles, Mrs. America raconte la lutte de la militante conservatrice Phyllis Schlafly contre le projet d’amendement de la constitution américaine pour les droits égaux des femmes dans les années 1970. Elle est incarnée par Cate Blanchett.
Les comédiennes Rose Byrne, Elizabeth Banks, Sarah Paulson, Tracey Ullman et Margo Martindale complètent la distribution de Mrs. America qui se sera sans aucun doute citée lors de la prochaine saison de remises de prix.
«Ce n’est pas utile de dépeindre des personnages comme étant noir ou blanc, car le camp avec lequel nous sommes en désaccord n’est pas pour autant rempli de personnes monstrueuses.» Cate Blanchett
Cate Blanchett est une des plus grandes actrices de sa génération. Malgré sa notoriété, elle est à l’opposé du stéréotype de la vedette obsédée par sa popularité ou par les magazines dont elle fait la couverture. Elle préfère consacrer son temps à ses quatre enfants, son mari et sa carrière.
Son immense talent lui permet de transmettre plusieurs niveaux d’émotions dans chacune de ses performances. La figure de proue des mouvements #MeToo et #TimesUp a discuté de ce récent projet avec Métro.
Qu’avez-vous appris dans vos recherches sur Phyllis Schlafly?
Au départ, Phyllis n’avait pas de problème avec l’amendement pour l’égalité des femmes. Même qu’elle le considérait comme un enjeu politique mineur. Mais lorsqu’elle s’y est intéressée de plus près, elle s’est ravisée. Son amie Alice l’a convaincue des dangers de cet amendement, ce qui l’a menée à croire – à tort – que les femmes devraient s’enrôler dans l’armée. Dans son esprit, le mouvement féministe était associé au communisme.
Elle est devenue une figure de proue du mouvement conservateur…
C’est vrai. Phyllis s’est ralliée une base importante de supporters à la fin des années 1960. Elle produisait un journal nommé The Phyllis Schlafly Report, qu’elle a envoyé pendant des années. Lorsqu’elle s’est intéressée au mouvement pour l’égalité, elle s’est servie de cette publication pour faire campagne. Elle envoyait chaque semaine ses articles à des milliers d’abonnés. Elle avait un pouvoir incroyable.
Phyllis n’est pourtant pas dépeinte comme une méchante dans la série.
Ce n’est pas une histoire avec des gentils et des méchants. Elle est une femme engagée dans un mouvement et ses convictions sont nourries par ses peurs. Ce qui m’a vraiment étonnée à propos des femmes de cette époque, c’est à quel point elles étaient complexes et contradictoires. Elles se battaient. Il y avait de la joie,
il y avait de l’amour, il y avait de la haine.
Un des meilleurs événements de cette époque est la naissance de plusieurs mouvements, dont celui du féminisme intersectionnel et des droits des personnes LGBTQ. Ces histoires sont souvent relayées au dernier plan des drames politiques, je voulais les mettre de l’avant.
Pourquoi avez-vous voulu jouer Phyllis?
Phyllis avait une profonde influence dans la société. J’ai été soufflée par sa capacité d’inspirer, de galvaniser et de mobiliser les gens par diverses tactiques pour le moins douteuses. Pour moi, ça a été tout un apprentissage, car il s’agit d’une femme alpha d’une force extraordinaire. Il y a eu deux grands mouvements dans les années 1970 : le mouvement féministe et le mouvement conservateur antiféministe. Je voulais montrer aux téléspectateurs non seulement les écarts et la polarisation entre ces deux camps, mais aussi l’intersection entre les deux mouvements. Par exemple, Bella Abzug et Phyllis Schlafly se sont portées candidates au Congrès la même année et avec le même slogan : «La place des femmes est dans cette Maison». Bella l’a remporté finalement.
Vous jouez souvent des personnages historiques…
Je suis une passionnée d’histoire. Je ne crois pas qu’on puisse comprendre le présent sans connaître le passé. Nous n’apprenons pas de nos erreurs, nous les répétons. Je trouvais cette histoire pertinente.
Trouvez-vous difficile d’incarner une femme avec qui vous avez si peu en commun sur le plan politique?
Je n’aime pas diaboliser qui que ce soit. Mes accords ou désaccords, mes convictions politiques, je ne veux pas les transmettre à mes personnages. En drame, on a l’occasion de développer des personnalités. On a les cartes, on a les faits qui se sont réellement produits. Mais on doit les mettre en scène pour leur donner vie. Il faut intégrer les personnages à l’histoire. La façon de créer de l’ambiguïté chez un personnage est de prendre deux idées ou actions contradictoires, de les jumeler et de les présenter au public. Nous sommes tous remplis de contradictions et d’hypocrisie. Personne n’est parfait, y compris Phyllis, même si ses cheveux le sont toujours!
J’admets que c’est un défi de jouer une figure aussi polarisante. Au bout du compte, son énergie s’est retournée contre elle et c’est qui l’a empêchée de joindre le cabinet de Ronald Reagan. C’était difficile de trouver ses nuances tout en restant fidèle à son parcours.
Vous êtes une des actrices les plus polyvalentes au cinéma, votre habileté à vous transformer est incroyable…
Comme spectatrice, j’aime être transportée lorsque je regarde un film. Je n’aime pas penser: «Un instant, cette actrice vient de se séparer». La célébrité exagérée des acteurs peut confondre le public, qui ne fait plus la distinction entre la réalité et la fiction. Je suis donc une femme qui aime garder sa vie personnelle privée.
Vous considérez-vous comme une icône du cinéma d’aujourd’hui?
De nos jours, le public peut ressentir une certaine proximité avec n’importe qui qui est à l’écran. Je ne sens pas que je suis une icône, je ne pense pas à ça. Lorsqu’on travaille sur un film, les journées sont longues et on vit quelque chose d’intense et de fascinant.
Vous avez reçu de nombreux prix dans votre carrière, dont deux Oscars et trois Golden Globes. Qu’est-ce que ça représente pour vous?
C’est toujours merveilleux de recevoir des prix et d’être encensée pour son travail, mais le plus important est de se souvenir de qui on est, de ne pas laisser ces compliments nous monter à la tête. Ceci dit, nous sommes tellement souvent critiqués pour notre travail d’acteur, il faut donc en profiter lorsqu’on est célébrés, ce serait stupide de ne pas le faire.
Cate Blanchett a gradué de l’école de théâtre en 1992. Six ans plus tard, elle récoltait sa première nomination aux Oscars pour sa performance dans le film Elizabeth.
Depuis, on l’a vu dans des dizaines de productions, dont la trilogie du Seigneur des Anneaux, Veronica Guerin et Carol.
Elle a remporté son premier Oscar pour le rôle de Katharine Hepburn dans L’Aviateur. Son interprétation dans Blue Jasmine lui a permis d’en remporter un deuxième.