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«Le jeune Ahmed»: le ciel attendra

Le jeune Ahmed

Le jeune Ahmed

L’avenir de la jeunesse est toujours incertain dans les films des frères Dardenne. C’est d’autant plus le cas chez Le jeune Ahmed, où l’indomptable duo s’intéresse à la délicate question du fanatisme religieux.

Cette thématique largement explorée au cinéma ces dernières années (de L’adieu à la nuit à La désintégration) n’a pas fait sourciller les illustres cinéastes belges, lauréats de deux Palmes d’or.

Au lieu d’aborder ce sujet explosif sous l’angle économique ou social comme la plupart de leurs contemporains, ils ont adopté le point de vue religieux et humain, en ne s’attardant pas à ce qui motive les individus à y adhérer mais ce qui pourrait bien les libérer.

«Si on prend quelqu’un qui est déjà fanatique islamiste et qu’on essaie de voir comment on peut le sortir de là, peut-être qu’on se rapprochera un peu de ce que c’est être un fanatique», explique Luc Dardenne, rencontré plus tôt cette année lors des Rendez-vous du cinéma français à Paris.

Ce quelqu’un est Ahmed (Idir Ben Addi, qui trouve là un premier rôle marquant au cinéma), un adolescent belge radicalisé de 13 ans qui élabore un plan meurtrier. Une figure tragique et obsédée comme les aiment les créateurs de Rosetta et L’enfant, mais qui s’avère ici plus opaque et insaisissable que jamais.

«On s’est vraiment embarqués dans un truc compliqué, dénote Jean-Pierre Dardenne en souriant. Nos films sont des histoires de rencontres, où nos personnages principaux rencontrent des gens qui les obligent à bouger. Sauf qu’ici, c’est impossible, on n’est pas arrivé, le gamin demeure immuable.»

«Comment pouvez-vous sortir de son obsession un personnage qui a l’autorisation de tuer et qui est intimement persuadé qu’en tuant il fait le bien et le vôtre aussi? La conscience du mal disparaît et c’est terrible.» Jean-Pierre Dardenne, réalisateur, en parlant du héros radicalisé de son nouveau film Le jeune Ahmed

L’endoctrinement sur les jeunes âmes est si grand que briser cette prison idéologique s’avère souvent impensable.

«J’ai pu le constater de mes propres yeux et oreilles en enseignant à quelques-uns de ces adolescents, révèle Luc Dardenne. J’ai vu comment leurs imams leur montaient à la tête. Parce que ce sont des réducteurs de tête, des réducteurs de la pensée. Et ça, il n’y a rien à faire… Ma parole n’avait plus vraiment de valeur.»

Ce qui empêche Le jeune Ahmed – prix de la mise en scène à Cannes en 2019 pour son rendu naturaliste – d’être complètement désespéré est l’apport de son jeune (anti)héros. Malgré ses mensonges et son entêtement, il y a toujours l’espoir d’un revirement soudain de comportement.

«C’est sûr que c’est difficile d’avoir de l’empathie pour un personnage comme ça, mais il ne faut pas oublier que c’est aussi un enfant, rappelle Jean-Pierre Dardenne. Malgré tout ce qu’il peut faire, c’est un âge où l’on peut encore changer, où il est toujours possible d’espérer. Et on a tous envie de sauver un enfant.»

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