Culture

L’esprit de famille de Comment Debord

Comment Dabord

Trois des sept membres du groupe Comment dabord

Fruit de la rencontre de sept jeunes musiciens, le groupe Comment Debord promet de ramener le plaisir de groover et l’esprit de clan dans le rock québécois.

Comme tout bon band, Comment Debord a commencé dans un sous-sol de la Rive-Sud en formule guitare-basse-batterie, en 2016.

Quatre ans et plusieurs allers-retours par le pont-tunnel plus tard, le groupe a ajouté quatre musiciens (dont trois femmes) à sa formation.

Après avoir atteint les demi-finales des Francouvertes, remporté le prix du public au Cabaret Festif! et signer un premier contrat avec la maison de disques Audiogram, il présente aujourd’hui un premier album éponyme qui évoque les grands ensembles des seventies, comme le Ville-Émard Blues Band ou Sly and the Family Stone.

«Un projet en pleine expansion» selon Rémi Gauvin, chanteur, parolier et centre de gravité du groupe. «Là on est 7, peut -être que l’année prochaine on va être 15!»

«Je pense qu’on a atteint notre maximum», tempère la guitariste Karolane Carbonneau en riant.

Rémi obtempère. «On va faire nos calculs de redevance, ça se peut qu’on reste à 7 finalement.»

Qu’ils soient 3, 7, 15 (ou 20 comme dans les vidéos de Marvin Gaye qu’ils regardent pour s’inspirer), les membres de Comment Debord partagent tous l’envie de faire groover.

«Comment Debord, c’est une bonne gang de chums qui ont du fun, mais qui travaillent ensemble quand même sérieusement pour le même objectif», illustre Karolane.

Des chums qui viennent de différentes familles musicales comme le jazz, le punk, le rock gara ge ou même la musique latine.

«On a un point commun, c’est cet amour d’une musique faite en famille, de façon un peu hippie, précise le bassiste Étienne Dextraze-Monast. On veut avoir un son moderne, mais on s’inspire de cette mentalité de grosse gang qui existait dans le rock des années 1970».

L’esprit et la méthode

«On est dans l’esprit et la méthode de ces années-là, ça, c’est certain», dit Rémi Gauvin, qui n’aurait pas détonné à cette époque avec ses cheveux longs et ses lunettes rondes.

Le groupe a d’ailleurs insisté pour enregistrer son premier long jeu live, sur rubans, question de conserver la spontanéité et la chaleur d’un jam.

«On aime les imperfections, c’est pour ça qu’on a enregistré sur tape!», explique candidement Karolane, qui joue aussi au sein du quatuor punk féminin Nobro.

Musicalement, le septuor puise également dans cette décennie pour assembler un son foisonnant et généreux, où l’on croise des claviers, de l’orgue, des congas et des refrains entraînants chantés en cœur par les sept membres du groupe.

«On pige dans le rock des années 1970 en général, mais on peut passer par le country rock, le blues, le funk et même le disco», énumère Rémi avant de vanter les mérites de ce dernier style.

«Nos groupes préférés, comme The Meters, sont dans cet esprit de mélange de R&B, de soul, de funk. On fait du rock, mais on espère que ça groove comme des Quebs’ peuvent le faire», ajoute Étienne.

Le sens des paroles

Cette «commune» musicale a les pieds bien plantés dans l’univers québécois grâce aux textes de Rémi, qui parvient à rocker la langue française avec talent.

«J’ai la volonté d’utiliser du langage québécois de tous les jours, des expressions que j’entends autour de moi», explique-t-il en rendant hommage à ses nombreux colocs, qui lui ont fourni une foule d’allégories truculentes qu’il recycle sur disque.

Ça donne des phrases marquantes comme «Calme-toé le kombucha» ou l’excellente boutade «Ça l’air flyé d’même mais ça sait / Même pas comment chauffer standard».

Le parolier ne déteste pas non plus jouer avec l’orthographe, comme en font foi les chansons Ville fantombe et Chasseur de tournades [sic].

«Il y a une certaine dose d’absurdité, des pointes d’humour également», reconnaît sans problème le jeune chanteur.  Certains textes sont plus dans le spectre de l’absurde, plus stoner, plus pété, mais soulignent quand même l’absurdité de certains trucs dans la société. Mais j’ai aussi des chansons plus introspectives, comme Ogunquit. J’ai envie d’écrire sur ce qui m’habite et me touche.»

Même si le ton est «vraiment» différent de Comment Debord, le débonnaire vingtenaire n’hésite pas à citer Avec pas d’casque comme une autre inspiration majeure.

«Ce que j’aime quand j’écoute de la musique, c’est être touché par des images. Stéphane Lafleur a le don de tourner des images très touchantes avec des pointes d’absurdités. J’aime cette espèce de tension entre ces deux pôles.»

C’est ainsi que dans l’entraînant ver d’oreille Papier foil, il parvient à décrire la confusion d’une soirée éméchée entre amis (en faisant rimer «pot légal» et «Beau Dommage», notamment), tout en glissant une touchante déclaration d’amour au passage : «C’est avec toé / Que je veux / Ne pas être seul».

«Ce que j’aime dans ces textes, c’est qu’il y a de la couleur, pointe Étienne le bassiste. Ça peut aller dans beaucoup de directions, à la fois super intime et super flyé, absurde. Ça nous permet de faire d’aller vers d’autres zones musicales aussi, souvent dans la même chanson.»

Tellement que les paroles influencent directement les arrangements.

«Ça peut me prendre un an pour écrire une chanson et il y a beaucoup d’allers-retours avec le groupe, avoue Rémi. Me lever chaque matin et écrire, ce n’est pas ma méthode à moi. Je fonctionne plutôt de façon instinctive.»

Partie remise

Comme beaucoup de familles québécoises, Comment Debord a vu ses projets estivaux être bouleversés par la COVID-19.

Si la sortie de l’album, réalisé par Warren Spicer (Plants and Animals), était déjà planifiée pour l’automne, les mesures de distanciation ont tout de même empêché le groupe de se faire voir sur la scène de festivals cet été.

«On n’avait pas prévu beaucoup tourner, mais il y aurait quand même eu des trucs ici et là, se désole le leader du groupe. On n’a pas eu encore cette expérience de tournée du Québec, une espèce de rêve de jeunesse pour moi».

«On va le faire plus tard», le rassure sagement Karolane.

En attendant, les membres du groupe ont déjà hâte de plancher sur un deuxième album.

«Tout ce qu’on veut, c’est que le projet et cette identité se développent. Si on touche des gens à travers ça et que ça leur fait du bien, tant mieux», conclut Rémi Gauvin, en toute
simplicité.

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