Culture

Véronique Cloutier veut en finir avec l’expression «has been»

Véronique Bannon et Véronique Cloutier dans la série documentaire «L'ombre et la lumière»

Depuis toujours, Véronique Cloutier éprouve une «infinie tendresse» pour ceux «qu’on qualifie à tort de has been». «C’est un terme que je n’aime pas, qu’on ne devrait plus employer», dit-elle. Sa série documentaire L’ombre et la lumière déconstruit ce mythe en présentant les réflexions sans fard de personnalités qui ont vécu les hauts et les bas de la célébrité.

Il y a longtemps qu’on n’avait pas vu sur nos écrans Michel Goyette, Manuel Hurtubise, Michèle-Barbara Pelletier, Véronique Bannon, Karine Pelletier et Sébastien Tougas. Véronique Cloutier est allée à leur rencontre non pas pour leur poser la fameuse et blessante question «pourquoi on ne vous voit plus?», mais plutôt pour savoir comment ils ont vécu leur passage de la lumière à l’ombre.

Au fil des cinq épisodes de sa série, la populaire animatrice interviewe aussi des personnalités qui entretiennent un rapport ambivalent avec la notoriété (Mélanie Boulay, Joanie Gonthier, Mélissa Bédard) et d’autres qui, comme elle, connaissent un parcours enviable (Marina Orsini, France Castel).

C’est une quête très personnelle qu’a entreprise Véronique Cloutier, elle qui brille sur nos écrans depuis près de 30 ans. L’animatrice la mène en toute franchise et sans complaisance, dans une facture intimiste.

Mener un tel projet demande une bonne dose d’humilité, puisque les discours des artistes qu’elle rencontre trouvent écho dans sa vie personnelle et professionnelle. D’ailleurs, tout au long de L’ombre et la lumière, Véronique Cloutier rebondit sur les propos de ses invités en partageant à la caméra ses propres réflexions. Lorsqu’on lui demande si elle a trouvé l’exercice confrontant, elle répond en riant : «Pas vraiment!»

«J’ai trouvé ça intéressant, par moments émouvant, bouleversant et aussi rassurant, mais pas confrontant. Ça n’a pas ébranlé mes convictions, explique-t-elle. Ces entretiens en toute transparence, en toute franchise, en toute humilité, c’est ce que je cherchais. Donc le mot serait plus satisfaisant que confrontant.»

Sa transparence fait la réussite de la série. Véronique Cloutier et sa recherchiste Clémence Aboussouan ont bien pris soin d’expliquer leur démarche à leurs invités. «Ce n’est pas une série pour qu’ils donnent de leurs nouvelles et disent que tout va bien. Je ne voulais pas entendre la phrase: “J’ai des projets, je vais revenir bientôt”. Sinon, ça aurait été un exercice vain.»

«Je voulais parler de ces choses avec franchise. Parfois, c’est un peu dur, mais c’est toujours bienveillant, respectueux et fait avec beaucoup d’affection.» -Véronique Cloutier

C’est pourquoi quelques artistes qui espèrent toujours un retour se sont désistés en cours de route, révèle l’animatrice. «Quelques-uns nous ont dit : “J’ai peur que ce soit le dernier clou dans mon cercueil” ou “Je ne veux pas être cette personne qui semble désespérée, trop vulnérable, trop fragile”. Je respecte totalement ça.»

La vie après Votre beau programme

L’animatrice a eu envie d’explorer notre fascination pour le vedettariat après l’échec de Votre beau programme en 2017, émission qui marquait son grand retour à la télé après trois ans de tournée avec le spectacle Les Morissette.

Bien qu’elle s’en est très bien sortie, cette expérience a entraîné une remise en question chez elle. «Ce n’est pas mon premier échec, mais c’est la première fois que ça me rentrait autant dedans. J’attribue ça un peu à mon âge vieillissant et à l’expérience. Je ne pense pas que j’aurais pu avoir les mêmes réflexions dans la vingtaine, dit-elle. Mais là, début quarantaine, c’était la première fois que je me disais : vais-je être capable de remonter cette pente?»

Depuis la mise en ligne des cinq épisodes vendredi dernier sur la portion Véro.tv de l’Extra d’ICI Tou.tv, Véronique Cloutier constate par les nombreux témoignages qu’elle reçoit que son projet résonne bien au-delà de la sphère culturelle.

«Tu peux travailler dans un bureau ou dans une école et avoir l’impression d’exister seulement dans le regard des autres. Je trouve ça le fun de voir que les gens sont non seulement intéressés par le destin de ces invités, mais que leurs propos les fait réfléchir sur leur propre vie. Ça devient de la télé un peu plus utile.»

Le rapport de Véronique Cloutier face à propre sa notoriété a-t-il changé au fil de ses rencontres avec toutes ces personnalités? Après un temps de réflexion, elle se lance dans une réponse : «En fait, sais-tu ce que ça m’a fait? Outre la conclusion que je dis dans l’épisode 5, comme quoi je veux faire ce métier encore longtemps, ça me confirme que j’ai bien fait de ne pas mettre tous mes œufs dans le même panier. J’ai bâti une famille, j’ai un couple qui dure, j’ai trois beaux enfants qui ont occupé beaucoup de mon temps, de mon énergie, de mes pensées dans les dernières années, ce qui fait que je sais que je serais quelqu’un même si je n’existais plus dans l’œil du public.»

D’où l’importance d’en finir avec l’expression has been, selon elle. «C’est terrible, c’est comme dire que quand tu n’es plus dans l’œil du public, tu n’es plus personne, alors que c’est faux. C’est ce que ça m’a confirmé cette série : l’importance d’être quelqu’un au quotidien, en tout temps, et non pas juste quand tu passes à la télé ou dans le 7 jours

La clé de la longévité se trouve ainsi dans l’équilibre, souvent fragile et difficile à maintenir. Marina Orsini et France Castel le résument chacune à leur façon dans le dernier épisode. «Ce métier, faut le vouloir assez, mais jamais trop», dit la première, tandis que la seconde le définit comme «un des plus beaux métiers du monde et en même temps le plus cruel».


Pourquoi Marie?

Le titre de la série documentaire de Véronique Cloutier est un clin d’œil à la populaire chanson Entre l’ombre et la lumière de Marie Carmen. Justement, le balado Pourquoi Marie? vient de paraître sur Qub Musique. Le journaliste culturel Stéphane Leclair enquête en quatre épisodes sur les raisons qui ont mené l’interprète de L’aigle noir à brusquement mettre fin à sa carrière il y a 20 ans. Ce balado fait suite à Pourquoi Julie? d’Émilie Perreault, dont la quête portait sur la disparition médiatique et artistique de Julie Masse.

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