Katy Perry, Led Zeppelin, Ed Sheeran, Robin Thicke, Pharrell Williams… Difficile de garder le compte des nombreux procès pour plagiat qui viennent éclabousser l’industrie musicale ces dernières années. Face à ce fléau, les géants du secteur se tournent vers l’intelligence artificielle pour déterminer avec précision quand l’hommage se transforme en plagiat.
Spotify travaillerait actuellement sur un algorithme qui permettrait aux musiciens de découvrir si leurs dernières compositions présentent des ressemblances harmoniques avec d’autres morceaux existants, selon le magazine spécialisé Music Business Worldwide. Des demandes de brevets auraient été déposées à la fin du mois de novembre aux États-Unis et en Europe, concernant une nouvelle technologie désignée sous le nom de «Plagiarism Risk Dectector and Interface» («détecteur et interface de risque de plagiat»).
Le but de cette invention? Passer des «lead sheets», des partitions agrémentées d’indications rythmiques et mélodiques, au peigne fin afin de détecter si elles reprennent des éléments d’autres morceaux hébergés sur la plateforme de Spotify. Et ce, qu’il s’agisse d’une séquence d’accords ou de fragments mélodiques de quelques mesures. Après avoir pris en compte «une pluralité d’éléments», l’algorithme indiquera à l’auteur-compositeur si sa chanson encourt le risque d’être éventuellement poursuivie pour plagiat. Un lien vers le morceau ressemblant à la création analysée par l’intelligence artificielle pourrait également être inclus afin de faciliter le travail de réécriture.
«Un tel outil permettrait aux artistes de créer des lead sheets plus rapidement et avec plus de confiance en eux, en détectant et en leur fournissant un retour visuel concernant quel aspect de leur œuvre pourrait potentiellement être considérée comme étant plagié», peut-on lire dans le brevet de Spotify relayé par Music Business Worldwide.
Éviter les «champs de mines musicaux»
Bien que le géant suédois n’ait pas indiqué quand ce «détecteur de plagiat» pourrait voir le jour, d’autres chercheurs travaillent sur des algorithmes similaires pour éviter aux artistes d’avoir la mauvaise surprise de découvrir qu’une de leur création a pu être inspirée par celle d’un confrère ou d’une consoeur. Ce désagrément avait été au centre du procès pour plagiat de George Harrison pour la chanson My Sweet Lord, dont la mélodie n’était pas sans rassembler le titre He’s So Fine des Chiffons. Un tribunal de New York avait condamné l’ancien Beatles à verser près de 1,6 million de dollars à la maison de disque Bright Tune, après avoir évalué qu’il aurait involontairement plagié le tube des Chiffons.
Plagiat dans l’industrie musicale
Une décision de justice qui repose sur le fait que «ni George Harrison, ni les Chiffons, ni même le juge puissent concevoir qu’il existe un nombre fini de mélodies», selon Damien Riehl. L’avocat spécialisé en droit d’auteur a décidé de remédier à ce problème en développant, avec l’aide de son collègue Noah Rubin, un algorithme qui explore toutes les combinaisons mélodiques possibles sur une octave de 12 temps. Soit 68,7 milliards de mélodies aux consonances pop. Une fois enregistrées sur un support physique comme un disque dur, ces suites de notes sont considérées comme protégées par le droit d’auteur. Et donc inutilisables sans créditer Damien Riehl et Noah Rubin, sous peine de courir le risque d’être poursuivi pour plagiat.
Afin de protéger les artistes qui composeraient à leur insu un air semblable à l’une de ces 68,7 milliards de mélodies, les deux avocats les ont mis en ligne sur le site Internet Archive ainsi que le code de l’algorithme qui les a composées. Ils ont également utilisé une licence Creative Commons Zero, par laquelle ils renoncent à leurs droits d’auteurs.
«Nolan et moi avons créé toutes les mélodies possibles et les avons placées dans le domaine public afin d’essayer de donner aux auteurs-compositeurs plus de liberté pour pouvoir faire de plus en plus de musique, tout en ayant moins peur de peur de tomber accidentellement dans un champ de mines musical», a affirmé Damien Riehl en février dernier durant une conférence TedxTalk.
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Bien que les ramifications légales de cette initiative restent à éclaircir, elle dénote d’un véritable sentiment d’inquiétude au sein de l’industrie musicale depuis que des artistes tels que Robin Thicke et Pharrelll Williams ont été condamnés à payer des indemnités à six chiffres dans des affaires de plagiat. «Si nous perdons notre liberté d’être inspirés, nous allons nous rendre compte un beau jour que l’industrie du divertissement telle que nous la connaissons sera paralysée par les procédures juridiques», avait alors déclaré l’interprète de Happy au Financial Times. Une scénario catastrophe duquel l’intelligence artificielle pourrait éventuellement nous prémunir.