Catherine Deneuve et Nathalie Baye sont les exceptions qui confirment la règle: malgré une certaine prise de conscience, le cinéma peine à faire de la place aux actrices qui vieillissent, si bien que leurs carrières finissent bien plus tôt que celles des hommes.
Il y a cinq ans, un collectif baptisé «Tunnel de la comédienne de 50 ans» s’attaquait à ce qu’il qualifie «d’omerta»: la quasi-absence de femmes au-delà de cet âge dans les fictions, et singulièrement au cinéma.
En cause notamment, l’imaginaire collectif qui veut que le public ne veut voir que des femmes jeunes à l’écran, tandis que le glamour des hommes ne connaîtrait pas de date de péremption.
Cette idée a la vie dure: le collectif ne constate aucune amélioration dans ses derniers chiffres, publiés cette semaine. Seuls 8% des rôles ont été attribués à des femmes de plus de 50 ans, deux fois moins qu’à des hommes de la même tranche d’âge, sur l’ensemble des films français de 2019. En proportion, elles sont aussi beaucoup moins présentes à l’écran que dans la société.
Ces actrices sont victimes d’une «double peine: sexisme et âgisme»: elles sont à la fois moins présentes à l’écran en tant que femmes, et en raison de leur âge, déplore le collectif, issu de l’association «Acteurs et actrices de France associés» (Aafa).
Malgré les prises de parole, manifestes et tribunes, les choses ne s’améliorent guère. L’émergence de nouvelles réalisatrices aurait aussi pu changer la donne. Las, les films réalisés par des femmes ont même tendance à offrir encore moins de place aux actrices âgées, selon le constat du collectif.
«Rien ne bouge pour l’instant mais, au moins, on a réussi à briser le silence», témoigne Marina Tomé, codirigeante du «Tunnel des 50», qui propose d’imposer des quotas, un sujet sensible en matière de création artistique. «C’est la seule solution pour que ça change avant 150 ans».
En attendant, «les actrices se font éjecter avec l’âge», confirme Nathalie Chéron, à la tête de l’association des directeurs de casting, qui cherche à lutter contre un système «pervers» suscitant précarité et pression psychologique.
Certaines actrices tentent de lutter par la chirurgie esthétique, sans garantie d’être retenues pour autant. Tandis que les hommes «peuvent bosser même s’ils prennent du ventre et des bajoues», s’indigne Mme Chéron.
Dès 30 ans
Les quelques stars qui passent sans encombre la barre des 50 ans, comme Catherine Deneuve, 77 ans, encore à l’affiche de six films ces deux dernières années, sont «l’arbre qui cache la forêt», selon Catherine Piffaretti, l’autre figure de ce collectif.
Au-delà de la question de la carrière des actrices, dont l’écart de rémunération avec les hommes augmente avec l’âge selon les calculs du Centre national du cinéma (CNC), leur invisibilisation avec les années est «un enjeu de société», relève-t-elle.
«Le plafond de verre auquel se heurtent les femmes dans la vie civile est sans doute aussi dû à ce manque de représentations dans les fictions, ou alors fondées sur des images de nos grands-mères d’autrefois, qui ne correspondent plus du tout à la réalité et empêchent l’inconscient collectif de construire une image de femme puissante», selon elle.
Sur le terrain, certains professionnels s’attellent à faire changer les choses, comme Sophie Deschamps, ancienne dirigeante de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD). Elle-même scénariste, elle salue les auteurs et réalisateurs qui décident de féminiser « même de tous petits rôles, pour que le tournage soit paritaire. Il faut commencer par là».
Signe d’une certaine prise de conscience, le CNC s’est penché à son tour, et pour la première fois, sur le problème. Le résultat est édifiant: les actrices commencent à disparaître des écrans non pas à 50 ans, mais dès l’âge de … 30 ans, à partir duquel la part des actrices dans les 1400 films français sortis de 2009 à 2018 fond drastiquement.