Nicolas Maury présente en salle Garçon chiffon, son premier long métrage en tant que réalisateur. Le comédien français y aborde avec sensibilité un thème peu exploré à l’écran: la jalousie. Rencontre.
«Un enfant qui rêve dans sa chambre, moi, et qui rêve de faire des films.» Nicolas Maury, de sa voix délicate à l’autre bout du fil, évoque ainsi les prémices de ce qui deviendra au fil des songes Garçon chiffon. Mais c’est à l’été 2011 que celui que l’on connaît sous les traits d’Hervé dans Appelez mon agent et pour ses rôles chez Yann Gonzalez se consacrera à l’écriture de cette autofiction.
«J’étais amoureux d’un garçon, et il se trouve qu’est arrivé un sentiment contradictoire de jalousie, de possession, de panique, alors qu’il avait décidé de partir seul en vacances, se souvient-il. Qu’y avait-il en moi de si incertain?»
Dès les premiers instants du film, le ton est en effet donné lorsque son personnage acteur lui aussi, Jérémie, se rend brièvement à une réunion de l’Association des jaloux anonymes – sa jalousie devenant étouffante pour son compagnon Albert.
«Je trouve que l’art permet de reconsidérer certaines notions, certains sentiments. Dans la littérature, il y a les grands écrivains de la jalousie que sont Marcel Proust et Roland Barthes. Il me semblait cependant que ce sentiment n’était pas tellement cinématographique, pas vraiment visité», dit-il. Selon Nicolas Maury, le peu de tentatives sur le sujet l’a toujours représenté comme un travers.
La jalousie n’est pas un vilain défaut
Dans son Garçon chiffon, la thèse «c’est que la jalousie est une demande de considération de l’amour, d’une façon certes radicale. Là où aujourd’hui il est de bon ton d’être décontracté, polyamoureux, etc., je voulais assumer le fait d’être absolument concentré sur l’être aimé».
Si au fond Nicolas Maury sait d’où cette jalousie maladive lui vient, «ce métier un peu fou que fait Jérémie» n’y est pas étranger. «Forcément quand on est acteur, on est amené à être comparé, comparable, titillé sur son ego», précise-t-il.
«Est-ce aussi un héritage?», poursuit Nicolas Maury. «Comme Phèdre dans Racine, la mère de Jérémie dit « mon mal vient de plus loin ». Peut-être que le mal que ressent Jérémie, cette jalousie, vient aussi de plus loin». Parce que Bernadette a été trompée par son défunt père, Denis, par exemple.
Le Garçon chiffon de sa mère
Cette mère, elle est «humaine, très digne, très belle, très discrète, raconte le cinéaste. Je voyais le rôle vibrer avant qu’il ne s’incarne». Nicolas Maury parle ensuite d’une vraie rencontre entre Bernadette et Nathalie Baye.
«J’ai écrit pour les femmes de ma vie chez lesquelles j’ai pu observer une espèce de discrétion. Une discrétion par rapport aux sentiments pudiques, qu’elles ne veulent pas forcément dire, mais qui se voient.» Nicolas Maury
«Ce qui me faisait plaisir, c’est que Nathalie Baye me disait qu’elle voyait qui était Bernadette. C’est magnifique qu’une actrice de cette envergure vous dise cela», ajoute Nicolas Maury qui a souhaité «filmer tous les paysages de Nathalie. Et elle a formidablement épousé la tendresse de Garçon chiffon et de son personnage».
Enfin, il se rappelle d’une expérience de tournage très sportive, mais d’une «absolue évidence». «Maintenant, c’est trop tard, c’est dans mon sang, je vais vouloir faire ça tout le temps», s’enthousiasme Nicolas Maury avec un grand sourire dans la voix, et, on le devine, des yeux rieurs.